Dans la quantité démesurée des compilations de tout poil publiées chaque année, certains concepts méritent un sérieux coup de projecteur. Fargo, excellent label parisien spécialisé dans le folk délicat, propose, après un Cowboys In Scandinavia concluant et en marge de ses compilations-catalogues annuelles, de découvrir le folk féminin via une sélection de jeunes pousses cotoyant quelques égéries discrètes. Even Cowgirls Get The Blues (comme le disait si bien le génial Gus Van Sant) réunit ainsi pas moins de 17 chanteuses de folk ou de country. Si certaines ne sont pas tout à fait des inconnues, la plupart des artistes ici présentées n’ont pas encore signé ou ne sont pas distribuées. Voilà donc un vrai travail de défrichage mené par des directeurs artistiques qui font correctement leur métier, mus par une passion indestructible. Mais tout cela ne resterait qu’un beau geste si le disque qui en découle n’était pas aussi formidable. Car Even Cowgirls Get The Blues, sous son classicisme rampant et derrière une jaquette au goût douteux, est un bijou du début à la fin. Loin d’une célébration empruntée de la country, de l’americana ou du folk, c’est bien la génération à venir de cette grande famille qui est ici dévoilée. Entre délicatesse et gravité, entre chaleur et candeur, pas une seule chute de niveau sur ce disque. Toutes les chanteuses ici réunies partagent le même goût pour l’épure et toutes se caractérisent par des voix et une écriture qui laissent deviner de fortes personnalités. Bien sûr, quelques têtes d’affiches sont présentes avec des pièces d’un niveau tout à fait exceptionnel : Lauren Hoffman (qui mériterait une réhabilitation en bonne et due forme), Jesse Sykes & The Sweet Hereafter, Dawn Landes ou Emily Loizeau, la régionale de l’étape. Mais ce qui fascine ici, ce sont les inconnues. On reste scotché à l’écoute de la country sèche et sensible de Mariée Sioux (ce nom déjà !). On vibre avec Kelly McRae sur son hommage à Johnny Cash. On y croise même la barbe et les tongs de Bonnie Prince Billy venu y faire ses emplettes en soutenant très physiquement Pink Nasty. Mais ne vous y trompez pas, si cette chronique ne saurait parler des 17 artistes ici présentes, c’est bien parce qu’il faut savoir s’arrêter. Car de bout en bout, voilà une compilation remarquable qui risque bien de vous coller aux basques avant que de vous fâcher un peu plus avec votre banquier.

– Le site de Fargo