Formation pop « culte » par excellence, le (désormais) quatuor britannique signe un troisième album où le sens du détail est érigé au rang d’art. Que Dieu préserve The Clientele ! Ainsi soit-il.


The Clientele. Etrange choix porté sur ce nom dont la résonance peu glamour s’inscrit en total décalage avec l’univers si subtil, poétique, intemporel de cette noble formation pop britannique… Par delà ses airs, une anecdote personnelle nous revient pour décrire cet « art de vivre » tel que le conçoit The Clientele. Voilà deux ans, les londoniens ouvraient pour Spoon dans une salle parisienne du quartier d’Oberkampf. Un de ces rares concerts qui exhalaient une atmosphère particulière. Sur scène, le trio nous avait gratifiés d’une prestation en état de grâce mais l’attention se portait aussi dans la salle : un peu à l’écart du premier rang se distinguait un jeune homme filiforme aux faux airs de Brett Anderson, facilement identifiable vu du balcon car dansant seul d’une manière désinvolte au milieu d’un public figé. Peut-on vraiment danser à un concert de The Clientele ? Nous vous aurions parié que non avant ce soir-là. Mais on vous assure que les gestes de l’éphèbe s’accordaient magnifiquement avec le rythme des arpèges lancinants d’Alasdair MacLean, et par-dessus tout, sous-entendaient une connaissance parfaite de chaque chanson et de son degré de dévotion.

Nous aussi, deux ans auparavant tombions subjugués par le perfectionnisme de Strange Geometry. Des pop songs d’un rang supérieur, incontestablement régies par des codes très précis ne tolérant aucune lourdeur ou mauvaise manière : des mélodies brodées de fil d’or et un sentimentalisme proustien croisé chez une poignée d’élus surdoués tels Prefab Sprout, The Smiths, The Go-Betweens… Ancien employé dans une agence publicitaire, MacLean a ainsi conservé ce sens aiguisé de l’accroche, cette économie des mots qui ont le don de projeter des images instantanées comme sur “ From Brighton Beach To Santa Monica” ou « Bookshop Casanova » («Watching a movie and getting bored/ Trying to get up with the girl next door»).

Sur God Save The Clientele, les éternelles ballades bucoliques de The Clientele reçoivent une nouvelle bénédiction de la papauté indie pop, voire se payent des airs de valse. Le trio emmené par Alasdair Mac Lean (voix/guitare), Mark Keen (batterie) et James Hornsey (basse) est complété désormais d’une «Fair Lady», Mel Draisey, multi-instrumentiste (piano, violon) dont le bon goût et l’implication ne se ressentent pour l’instant que sur cinq titres, mais laissent déjà de saillantes empreintes.

Sur le fond, la production, laissée au soin de Mark Nevers (Lambchop), pousse encore plus loin l’idée de classicisme précieux entamé sur Strange Geometry (Brian O’Shaughnessy, précédent maître d’oeuvre, a conservé la casquette de producteur sur seulement deux titres mais a mixé l’ensemble du disque). Le travail d’orfèvre exécuté sur cette fine faïence gagne encore en précision et ne sombre jamais, ô grand jamais, dans la grandiloquence. Les parties symphoniques assurées par le désormais indispensable arrangeur Louis Philippe occupent une place de choix dans cette quête du raffinement absolu. Conduites par la baguette magistrale du Français, les mélodies sirupeuses de The Clientele se métamorphosent proprement en odes à la flânerie un soir de pleine lune dans un jardin victorien.

Timides par le passé, les arpèges en trémolos de Mac Lean – et clés de voûte de leur son – prennent de l’assurance et batifolent dorénavant en compagnie de pianos et cordes, et même une lap steel (“These Days Nothing But Sunshine”). Cette nouvelle complicité guitare/piano fonctionne comme de la cire et ouvre le groupe à d’autres terrains de jeu inespérés – le presque dansant « Bookshop Casanova ».

Mais le principal reste. En grands clercs de la mélodie propre à fendre le coeur, nos esthètes entretiennent leur réputation intouchable via les indélébiles “Here Comes The Phantom” “Winter On Victoria Street” ou encore « Isn’t Life Strange ? », « le » slow qui tue. A l’évidence, The Clientele ne connaît aujourd’hui pas d’équivalent en terme de délicatesse pop et d’esthétisme littéraire.

– Le site de The Clientele.

– La page Myspace