Lorsque nos confrères de Jazz magazine interrogèrent la saxophoniste Sophie Alour, au mois de mai dernier, à propos des références déterminantes qui présidèrent à la conception de son second album, le groupe de rock Radiohead figurait en bonne place : « C’est toujours un bonheur à écouter (il s’agissait en l’occurrence d’Amnesiac). Radiohead m’a ouvert les oreilles« . Et le moins que l’on puisse rajouter, c’est que cela s’entend. Dès les premières notes, le puissant et nerveux morceau éponyme laisse entrer dans nos conduits auditifs une bourrasque sonore saisissante, initiée par un Fender Rhodes vrombissant (Lauent Coq) et une batterie alerte (Karl Jannuska), dont l’écho assourdissant n’est pas sans évoquer certains débordements rageurs des célèbres Anglais. Une influence perceptible aussi à travers un sens de l’architecture mélodique tout en contrastes et bifurcations harmoniques, où alternent, parfois de manière crescendo, plages mouvementées et pauses alanguies (la suite “Haunted Part 1” et “Haunted Part 2”). Au saxophone, la meneuse de revue, pas hautaine pour un sou, donne le la entre rugosité et douceur, caressant d’un côté l’auditeur pour mieux le griffer de l’autre. De cette incertitude à établir une forme empreinte d’une totale sérénité, à la fois avenante dans ses courbes et vertigineuse dans ses détours, se dégage un fort parfum de liberté. Notons ici la présence du guitariste-bidouilleur Seb Martel, toujours à sa place, c’est-à-dire jamais là où on l’attend, connu pour avoir un pied dans le jazz et un pied dans la pop, adepte des pédales d’effets et des croquis musicaux astucieux (Coitry ?) : il apporte sur quatre titres ce supplément de désinvolture qui sied parfaitement à la démarche émancipatrice de la musicienne. Après un premier album où Sophie Alour endossait avec un peu trop d’aisance le rôle de première de la classe, la voilà bien décidée à s’installer près du radiateur afin de perturber sciemment l’ordre – du jazz – établi. Un changement de perspective au cours duquel sa musique a indéniablement gagné en singularité.

– La page MySpace de Sophie Alour.
– Le site de Sophie Alour.
– Le site de Nocturne.