Une musique violente par sa douceur, rudimentaire et propice à la douleur intime. Ne luttez plus, c’est ce qu’il vous fallait.


Duncan Sumpner doit parfois méchamment s’ennuyer dans la vie, malgré son boulot de prof à Sheffield. Ou alors la déprime est un état chronique chez lui. Car si la musique est le reflet de l’âme, on s’inquiète un peu pour le moral de ce loup solitaire. En effet, difficile d’imaginer musique plus triste.

Gylling Street est le deuxième album de SOGP (groupe monocéphale, vous l’aurez compris). Et à en croire le dossier de presse, son premier album éponyme (2005) fut acclamé par des pairs pas vraiment connus pour leur simplicité ou leur morosité, au premier rang desquels le pâtre Devandra. Mais Duncan Sumpner s’en moque. Il va mal et sa musique est là pour en témoigner.

Les sept titres de Gylling Street peuvent provoquer à la première écoute, au choix une furieuse envie de tout casser ou au contraire un bâillement bruyant et inconvenant. La faute à une production squelettique et franchement en deçà de ce qu’aurait mérité le travail de Duncan Sumpner. Car à s’y pencher de plus près, on découvre, en avançant pas à pas, une écriture pointilliste, des mélodies cajoleuses. Et même, surprise, un vrai bien-être, celui qui vous envahit à l’issue d’une crise de larmes incommensurable, une sorte de soulagement épuisé. Ce sentiment, quelqu’en soit l’origine, à l’instant t est profondément agréable. Ce qui peut finir par poser problème, c’est lorsqu’il ne vous quitte plus.

N’empêche, on se prend au jeu, et on laisse, impuissant, s’écrouler le dernier bastion de son courage pour suivre Duncan Sumpner dans les tréfonds de ses états d’âme. Car cette guitare sèche, ces claviers aquifères, le pouls franchement lent des chansons et cette voix blanche et sans relief ont cette capacité à vous envoûter pour vous attirer dans leur refuge. Et, finalement, on finit par y trouver des connaissances. Un autel érigé en hommage à Mark Hollis, Les Contemplations de Victor Hugo, et peut-être même une photo signée Henri Cartier-Bresson. On divague, mais on ne doit pas être loin de la vérité… Il y a toujours, dans les chansons de SOGP, un petit détail qui vous raccroche à la vie, une bouée ou une lumière. Ici une trompette refuse de se laisser abattre, là des choeurs féminins en contrepoint, subrepticement, vous font du pied. Non, en fait, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. C’est passager, fermons les yeux, attendons que ça passe. Les périodes de tristesse prolongée ont même ceci de bon qu’elles favorisent l’introspection, le retour sur soi. Alors oui, il faut accepter cette expérience, se regarder de face n’est pas chose facile. Sauf que l’on n’est pas seul, Duncan Sumpner est là pour nous tenir la main, nous offrir son épaule. Oui, voilà, c’est ça, Gylling Street nous fait prendre conscience qu’il fallait que ça sorte, et Gylling Street est l’épaule que nous ne cherchions pas.

Finalement, Duncan Sumpner est notre vrai ami, et pas seulement sur Myspace.

– Une page sur SOGP sur le site de Fat Cat.