Les New Pornographers donnent une suite à l’époustouflant Twin Cinema. Moins spectaculaire et parfois en demi-teinte, mais toujours indispensable.


Avec Twin Cinema, incontestablement l’un des meilleurs disques de l’année 2005, le collectif de Vancouver avait trouvé le cocktail gagnant : power-pop à l’ancienne, mélodies sophistiquées, paroles cérébrales et refrains irrésistibles, le tout agrémenté d’une petite dose de folk porté par la voix céleste de Neko Case. Dans ce nouvel album, Challengers, la bande de Carl Newman a manifestement délaissé la flamboyance et fait le choix de la discrétion, non sans une certaine élégance.

On ne trouvera donc pas de “Use It” et autres “Sing Me Spanish Techno”, hymnes dignes de la première période de Big Star, qui étaient légion sur le dernier album. Ce n’est pas seulement le rythme qui a sensiblement ralenti, mais également le temps de maturation et d’éclosion des chansons, qui révèlent peu à peu leurs trésors sans rechercher la sophistication mais sans user non plus d’artifices évidents. Bref, le « supergroupe » indie que sont les New Pornographers a décidé de cesser d’en mettre plein la vue…

Exception de taille à ce constat général, le titre d’ouverture, “My Right Versus Yours”, a tout pour séduire. Dans ce splendide exercice de pop seventies, on croirait entendre Carl Wilson en personne. “All The Old Shopstoppers” poursuit sensiblement la même veine, où l’art mélodique de Carl Newman se déploie pleinement. La suite de l’album est d’un accès plus difficile. Curieusement, ce sont maintenant les morceaux de l’autre songwriter du groupe, Dan Bejar, bowien comme à son habitude, qui offrent un point d’entrée pop à cet édifice déroutant et subtil. Certes, “Myriad Harbour” et “Entering White Cecilia” gardent une légère empreinte de fêlure, contrepoids habituel à la perfection pop de l’écriture de Newman. Mais leurs refrains entêtants donnent un point d’équilibre à un ensemble plus déroutant et instable que dans les albums précédents. Symétriquement, il est tout aussi étonnant de constater que les morceaux les moins convaincants – les plus quelconques, osera-t-on dire… – sont ceux que chante Neko Case, jusqu’ici l’un des atouts-maîtres de ce groupe au casting de rêve.

En adoptant cette nouvelle posture, les New Pornographers se veulent sans doute « challengers of the unknown », comme dit le refrain du titre éponyme. Mais est-ce bien raisonnable ? La véritable originalité du groupe, tant dans les albums précédents que dans ce nouvel opus, se trouve surtout du côté de ballades à l’alchimie très particulière. “Unguided” en offre un parfait exemple : ses couplets semblent assez travaillés pour témoigner d’un savoir-faire irréprochable mais avec ce qu’il faut d’inachevé pour sombrer dans une perfection surfaite, avant de se fondre dans un refrain aussi sublime que surprenant. Cette synthèse idéale est plus rare dans cet album que dans les précédents, et c’est bien là l’origine de la pointe de déception que l’on peut ressentir dès les premières écoutes.

N’exagérons pas, toutefois. De la mélodie folk minimaliste de “Challengers”, à la power-pop légèrement baroque de “All Of The Things That Go To Make Things Heaven And Earth”, les canadiens prennent tout l’espace nécessaire pour exposer l’ensemble de leur palette. Et l’auditeur patient et attentif sera mille fois récompensé par des pop-songs aussi gracieuses que “Mutiny, I Promise You” ou encore “Failsafe”. En la matière, les New Pornographers planent toujours à mille lieues de leurs contemporains. Il fallait tout le talent de Carl Newman pour réussir le bijou d’intelligence et de candeur, mélange savant d’immédiateté et de subtilité, qu’est “Adventures in Solitude”. Et c’est Ziggy Stardust en personne qui vient conclure magistralement l’ensemble. Alors…

– Le site de The New Pornographers.

– Leurs page Myspace.