Boules à facettes et cuissardes rouges au garde à vous, le funk ressort du bois et fait sauvagement l’amour à la soul. Que le XXIe siècle nous semble encore loin !


Les gardiens du temple ne savaient plus quoi faire pour raviver la flamme d’un funk bien funky et d’une soul roots, dans son jus. On a bien eu la douce surprise de Nicole Willis en 2006, mais pas grand chose de plus à se mettre sous la dent. Sauf à profiter des vieilleries qui n’ont pas pris une ride, se replongeant dans les multiples rééditions du légendaire catalogue Stax, qui ont actuellement cours à l’occasion des 50 ans de ce label mythique. Et, forcément, on ne s’attendait pas à une réhabilitation en bonne et due forme en provenance de Madrid, Espagne.

The Sweet Vandals, quintet fraîchement débarqué, prend la légende à bras le corps, se la réapproprie, et la recrache à l’identique. C’est simple, on croirait entendre sur ce premier album des chansons de, au hasard, 1973. Son sec, basse qui claque, orgue déchaîné, guitares increvables. Et surtout, l’atout maître, une voix, une sacrée voix même, celle de Mayka Edjo, sexy en diable, la jeune femme feulant comme si c’était là son dernier jour et qu’elle n’en avait cure, menant du bout du fouet une meute masculine l’écume aux lèvres.
Avec un tel arsenal, il fallait une musique à la hauteur. Et c’est bien ce qui est proposé ici. Pas d’odeur de réchauffé, pas de ravalement factice. La musique des Sweet Vandals sort des tripes et s’adresse directement aux jambes et aux glandes sudoripares. Il faut, pour s’en convaincre, mettre côte à côte n’importe laquelle de leurs compositions et leur reprise géniale de l’énorme “Papa’s Got A Brand New Bag” du parrain James Brown pour s’apercevoir que la comparaison ne dessert personne.

A quoi tient une telle réussite ? A un manque de moyens limitant une utilisation de cuivres qui aurait pu devenir trop clinquante, privilégiant ainsi une spontanéité moite ? A une connaissance sans faille de tous les codas du genre ? A une interprétation dangereusement roborative ? A un amour immodéré pour une musique charnelle et sensuelle, au point de s’exhiber à son tour, sans le moindre soupçon de déplaisir ? A un affranchissement crâne de références écrasantes pour jouer comme si c’était le premier disque du genre, avec la conscience aiguë de tout révolutionner ? Un peu de tout ça peut-être. Mais ce qui est certain, c’est que The Sweet Vandals délivre un album qui ne sent pas l’authentique, mais qui est authentique.

Finalement, ce qu’on aime ici, autant que ces chansons hallucinantes, c’est l’absence totale de maquillage libérant une soul ou un funk sans fard, une musique exposée dans sa nudité sauvage, crue, n’autorisant aucune erreur, ou pire, aucune retouche. Le son est direct, un peu étouffé, obligeant l’auditeur à jouer de la molette pour bénéficier pleinement de la chaleur des langues de feu que crachent les cinq membres des Sweet Vandals.

Alors oui, une fois de plus, on observe combien des disques enregistrés avec le minimum minimorum peuvent souvent éblouir bien plus que d’autres qui ont bénéficié de toute la technologie que permet le nouveau siècle. La virtuosité n’atteindra jamais la chaleur de la sincérité, l’esbroufe n’est rien à côté du plaisir de jouer, plaisir entier aussi égocentré que philanthrope. La preuve avec ce premier disque imparable d’un groupe à suivre de près.

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