Pinback n’a pas de chance avec la France. Déjà lors de son précédent passage parisien, la paire de San Diego était passée inaperçue pour cause de date programmée en plein mois d’aôut. Et en ce 19 novembre, Paname est paralysée par les grèves… Il nous aura fallu braver les métros archi-bondés pour rejoindre la salle de la Maroquinerie, comble également. Décidément.


Et ce fut l’une des performances scéniques les plus intenses à laquelle il nous ait été donné d’assister cette année. A quelques mètres de moi, l’allure de Rob Crow, look Bermuda noir pas vraiment de saison et logo Motörhead, dénote dans le paysage intello indie rock. Pendant quelques secondes, l’idée que Pantera jouait ce soir nous a effleurés. Nettement moins tape-à-l’oeil, son alter-ego Zach Smith prend son café au comptoir de la Maroquinerie, décontracté.

Pinback n’a pas la réputation d’être un bon client pour les entretiens. C’est Zach Smith, immense bassiste et vocaliste , qui est de corvée « journalistes » aujourd’hui. Devant les 15 minutes de temps imparties (imposées par le groupe) la tâche s’avère rude mais le bassiste est rassuré lorsque nous lui expliquons que les questions préparées sortent un peu du cadre « promo ». Le musicien brise sa carapace et nous gardera un peu plus longtemps que prévu.

Pour je ne sais plus quelle raison, nous en venons d’abord à évoquer la reformation de Police dont Zach Smith, figure de la scène rock underground, est fan de longue date.

Zack Smith : J’aurais adoré voir la reformation sur scène mais je ne veux pas débourser 300 dollars pour un ticket de concert. Je n’ai aucun problème à voir jouer un groupe dans un stade, mais payer une telle somme…

Pinkushion : A part Police, peux-tu me citer des musiciens qui ont changé ta vie ?

Slint. Spiderland de Slint, quel album énorme ! Erik Satie aussi, je devais avoir 20 ans environ lorsque j’ai découvert sa musique. Je suppose que tout le monde aime sa façon de jouer du piano, c’est le meilleur dans son registre. C’est très simple, mais c’est pour ça que j’aime sa musique.

Quels étaient tes goûts musicaux à l’âge de 20 ans ?

J’ai commencé à jouer de la basse à l’âge de 15 ans, j’ai 37 ans maintenant… oh mon Dieu, cela fait 22 ans (rires). A l’origine, je voulais former un groupe au lycée, mais il y avait déjà un guitariste. Alors je me suis dit que j’allais essayer la basse. J’ai commencé à travailler l’instrument et finalement ça m’a plu. A 20 ans, j’étais juste en train de sortir du punk et j’écoutais des groupes locaux comme Neiborhood Watch, un groupe du sud de la Californie. J’ai commencé à vouloir écouter un peu plus que des « dududududu »… enfin, tu comprends. J’ai formé alors un groupe avec d’autres musiciens au début des années 90, Three Mile Pilot. Mes influences d’alors qui lorgnaient vers les Dead Kennedys ont progressivement évolué vers d’autres choses, comme Big Black (ndlr : le premier groupe de Steve Albini) et les groupes du label Touch n’Go. C’était en quelque sorte les débuts du label en terme de reconnaissance, il y avait un certain nombre d’universités autour de Chicago et beaucoup de groupes venaient y jouer. Touch n’ Go était déjà là depuis quelques temps, près de dix ans, mais tout a vraiment démarré à cette période.

En parlant de Chicago. Etais-tu fan de Fugazi ?

Pas tant que ça, Rob l’est plus que moi. Ce que j’aime chez eux, c’est l’énergie, mais le chant m’irrite un peu. Je n’aime pas trop les « euh euh euh ! », de Ian McKaye… (rires)

Quelle genre de musique écoutes-tu lorsque tu es dans le bus en tournée ?

En ce moment, c’est un peu stupide à dire, mais j’écoute mes propres chansons. Pas seulement parce c’est ce que je veux écouter, mais aussi parce que je travaille dessus. J’essaie de terminer l’album de System Officers, mon projet solo. J’ai sorti un EP il y a trois ans et j’espère que le disque sortira au début de l’année prochaine. En ce moment, j’édite les pistes de batterie, les arrangements…. Ce sont des parties que j’ai déjà enregistrées à la maison et que je peux travailler sur la route avec mon ordinateur portable. Tu passes tellement de temps assis dans le bus, tu deviens un peu cinglé, ça m’occupe.

Peux-tu nous parler de ce projet ?

Ce que j’aime, c’est que ce sont des chansons que je traîne depuis une longue période. Certaines datent d’il y a huit ans et je travaille toujours dessus. C’est drôle en quelque sorte pour moi, car tu écoutes des trucs que tu as composés il y a dix ans, et ça paraît tellement loin. Etrange sensation… Mais pour évoquer la direction, bonne question… je ne sais pas trop à vrai dire, je joue juste de la basse et je suis la direction où m’entraine le morceau. Rien n’est prémédité.

Rob Crow (g) et Zach Smith (d), le duo Pinback


Quel est le meilleur endroit selon toi pour écouter de la musique ?

Je dirais chez toi dans le salon. Je pense que c’est le meilleur endroit. Ou bien j’adore écouter de la musique lorsque je conduis. Actuellement ma musique me prend beaucoup de temps et c’est le seul moment où je peux vraiment en écouter. Rouler la nuit c’est encore mieux (rires).

Penses-tu que le contexte du lieu t’influence dans la manière d’écouter la musique ? Par exemple, si tu es dans une voiture, tu as peut-être tendance à écouter de la musique rapide, pas vraiment du Erik Satie.

Oui… l’atmosphère, l’environnement t’influencent évidemment sur ta façon d’appréhender la musique, de même que différentes situations peuvent t’y amener. Même quand tu n’en écoutes pas tu es quelque part influencé aussi. Tu vois, tout est affaire d’influence.

Quel est le concert auquel tu es assisté qui t’as le plus marqué ?

Je dirai Aswad. Ce fut un de mes premiers concerts à San Diego, et c’est certainement pour cela qu’il m’est resté en mémoire. J’étais dans le reggae à cette époque, à l’âge de 15 ou 16 ans. J’ai récemment vu un autre groupe de reggae, Steel Pulse. C’était drôle, car nous étions à Bruges il y a trois ans à l’occasion d’un festival et ils jouaient aussi là-bas. J’ai grandi avec ces groupes, mais je n’avais encore jamais vu Steel Pulse. Nous jouions après eux. C’était vraiment fun de les voir car j’étais sur le côté de la scène, comme un gamin chaque fois qu’ils jouaient un morceau ! J’étais comme hypnotisé, pas seulement à cause des chansons, mais aussi en raison des vieux souvenirs qui me sont remontés. C’est marrant parce que tous les membres du groupe sont allés les saluer, discuter et boire un coup avec eux, et moi j’étais pétrifié ! Je suis resté à l’hôtel, j’étais tellement timide que je n’osais même pas leur serrer la main…
Sinon, il y a beaucoup de concerts qui m’ont marqué. Drive Like Jehu de San Diego, l’ancien groupe dans lequel officiaient des membres de Rocket From The Crypt, c’était un groupe incroyable. Il y avait cette part d’énergie sur scène dont je te parlais avec Fugazi. Le genre où tu te dis « wow, ils dégagent », mais très bien maîtrisée. Il y a tellement de groupes qui jouent fort mais qui craignent. Je me souviens de ce concert donné dans un petit café de San Diego qui m’avait littéralement scotché.

Quels sont tes passions en dehors de la musique ?

Le sport (rires). J’aime jouer au football et au basketball. Evidemment, je passe aussi du temps avec ma femme.

Tu joues au football à San Diego, pas au football américain ???

Je suis l’un des seuls, je sais. Nous étions une poignée de jeunes lorsque j’ai commencé à y jouer vers l’âge de cinq ans. Et je continue d’y jouer, évidemment ce n’est pas de la même qualité que par ici, mais j’aime ce sport. Pour le reste, j’aime passer du temps avec ma famille. Faire des choses normales qui relèvent du quotidien à la maison. Comme je suis toujours en mouvement, c’est agréable de se poser un peu chez soi.

Quel est le dernier film que tu as apprécié ?

American Gangster de Ridley Scott. Je ne dirais pas que c’est génial, mais c’est pas mal. L’as-tu vu ?

Oui, je l’ai trouvé plutôt bon également, mais je m’attendais à mieux.

Exactement. Je ne pourrais pas te dire quel est le dernier grand film que j’ai vu, car mes films préférés sont plutôt vieux, j’avais quelque chose comme 15 ans dans les années 80. Je pourrais te citer Close Encounters (ndlr : Rencontre du troisième type), l’un des premiers films de Steven Spielberg. Celui-ci a eu un impact certain sur moi. C’est un film assez froid, pas vraiment spectaculaire. C’est assez en surface (ndlr « surfacy »), mais j’aime les films comme ça. Je t’en parle, car je l’ai récemment téléchargé sur mon iPhone et vais certainement le revoir dans l’avion. Ça fait un moment que je ne l’ai pas vu.

As-tu un livre fétiche ?

Je ne lis pas beaucoup, mais je dirais Ringworld Engineers de Larry Niven (trad : Le cycle de l’anneau-monde), un auteur de science-fiction. Assez triste, mais très beau.

Enfin, peux-tu me donner tes cinq albums favoris de tous les temps ?

Attend deux secondes (il sort son iPhone de sa poche et consulte sa liste de fichiers musicaux). Oh mon Dieu, je suis dans le répertoire Rush. Je ne sais pas si c’est bien, mais j’adore Rush (rires). J’ai plongé dedans il y a de ça 20 ans et je continue à acheter leurs albums, certains d’entre eux sont horribles mais j’adore. Mieux vaut éviter de les mentionner…

DevoFreedom of Choice

SlintSpiderland

XTCDrums & Wires

Drive Like JehuYank Crime

KraftwerkComputer World

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