La Belgique n’en finit pas de faire parler la poudre. Attica fait revivre certains cadavres encore chauds, comblant une bonne partie d’un vide dont on ne soupçonnait même pas l’existence.


On ne sait plus si politiquement les affaires se sont arrangées chez nos voisins, mais musicalement la messe est dite, les Belges sont en pleine forme ! On l’avoue humblement, nous étions passés complètement à côté du premier album d’Attica, You Are In Danger (2004), et à plus forte raison du quintet bruxellois. Il faut dire que depuis quelques années, la Belgique livre un grand nombre de groupes aux capacités pyrogènes relevant de la DST. Preuve d’une scène rock vivace, avec son patriarche (Arno), ses parrains (dEUS, Sharko, feu-Venus), et son armée de petits groupes teigneux et talentueux, sans compter bien sûr quelques boulets. Attica fait partie de la catégorie des groupes artisanaux aux idées larges et à l’univers protéiforme qui n’ont peur de rien et qui essaient tout.

The Bitter Lessons Of Attica n’est pas un manifeste. Ce titre faussement poseur évoque la prison du même nom de l’état de New-York et qui fut le décor d’émeutes raciales particulièrement violentes en 1971. L’immense saxophoniste Archie Shepp s’inspira de ces évènements pour son légendaire Attica Blues (1972). Et c’est cette double référence qu’il faut comprendre ici. Dès lors, la musique d’Attica prend tout son sens.

Rock ténébreux, guitares incisives, cuivres essoufflés, bastringue épileptique, ballades nauséeuses, Attica navigue en eaux troubles. Sous l’oeil bienveillant de l’incontournable Rudy Coclet, Attica marche sur les pas des regrettés Venus ou sur ceux de dEUS circa In A Bar Under The Sea (1996), soit cette alchimie entre rock cathartique et chanson revendicative, poésie et noirceur. Mélodies en avant, chant épidermique, chaleur de la braise et dents serrées. Sans oublier quelques trouées de lumière. Ceux qui suivent la scène belge depuis une petite décennie seront conquis.

Le petit plus ? Un fouinement incessant et une volonté de quête formelle qui prennent racine dans leur amour pour le jazz. La pop pluvieuse d’Attica y puise sa sève, cette énergie incontrôlable et pourtant tellement contrôlée, ces envolées (essentiellement guitaristiques ou vocales ici) qui retombent toujours sur leurs pattes, cette impression de dérapages et d’escapades, quand tous les instruments partent du même endroit pour arriver à la même destination en ayant emprunté chacun une voie propre.

Bien sûr, Attica demeure un groupe modeste et joue une musique modeste, nous ne sommes pas ici en présence d’hommes qui auraient la prétention de tout révolutionner. En outre, la colonne vertébrale de la musique du quintette bruxellois reste le pop-rock. Et ce dernier n’a pas été lésé tant les compositions sont toutes de solides demeures aux harmonies multiples et aux mélodies panoramiques.

Sans oublier la voix d’Amaury Massion, d’une beauté frustre et sauvage, une de ces voix lyriques et sobres à la fois. Le chanteur se sait doté d’un organe redoutable et il a l’intelligence de le suggérer, de donner envie, preuve supplémentaire d’une solide science de l’interprétation.

Il faut se délecter de la tristesse de “Cry For The Moon”, la férocité hispanique de “Masquerade”, ou encore “High Life Disguise” et “Stop The Time” et leur piano cavaleur, «venusiennes» en diable, mais moins que “Strange Days”, un des sommets de cet album.

Et si Venus, en disparaissant, avait ouvert la voie à un nouveau courant, une musique hyper mélodieuse, oscillant entre petites douceurs et grosses frayeurs ? Et si Attica était le premier groupe à poursuivre ce travail, tout en y apportant une très forte personnalité ?

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