Si l’on en juge par leur premier album autoproduit tout juste récupéré par Secretly Canadian, cette mini chorale psychédélique semble passer ses weekends à l’église… dans la paroisse studio d’Arcade Fire ?


La plupart des petites histoires que nous vous racontons ont commencé sur MySpace. Celle-ci a démarré dans une penderie. L’angelenos maestro David Metcalf et sa compagne Meredith y ont installé leur ordinateur, seul espace dans leur petit chez-soi enclin à assouvir leur passion de la musique. C’est dans ce coin étroit qu’est donc né leur premier album, l’immense Ears Will Pop and Eyes Will Blink. Pour leur second, presque plié et annoncé pour juillet, ils préviennent d’emblée voir les choses en grand en investissant… les autres pièces de leur appartement : on imagine déjà les grandes manoeuvres pour installer la grosse batterie dans le salon, la cabine chant stratégiquement placée dans la baignoire, les arpèges de guitares moelleux enregistrés dans la chambre à coucher et les arrangements de cuivres exotiques concoctés dans la… enfin passons.

Fiez-vous toujours à l’expression « l’habit ne fait pas le moine », Ears Will Pop and Eyes Will Blink n’appartient pas à cette catégorie d’albums folk agoraphobes, conçus dans un cloisonnement nécessaire à stimuler la déprime. Difficile d’imaginer qu’un disque pareil ait été conçu en huis-clos tant l’enthousiasme est contagieux. Rien ici ne sent le renfermé, tout s’exp(l)ose à ciel ouvert. Avec Bodies Of Water, ce serait plutôt ambiance dissipée des colonies d’été 68, un joyeux concert improvisé dans le bus sur le chemin des vacances. D’ailleurs en route, David et Meredith ont embarqué deux camarades/choristes de classe Kyle Gladden et Jessie Conklin, accessoirement à la basse et à la batterie.

Animés d’intentions charitables, nos Californiens manigancent une pop/folk orchestrale concentrée autour d’harmonies gospel incandescentes. En son coeur (choeur ? corps ?), Bodies Of Water scande des « Ah Ah » à tout va, persuadé que leur foi ne peut être entendue qu’au travers de leurs chants à l’unisson. Comme confortés par leur assurance vocale, les musiciens s’autorisent avec leurs instruments quelques excentricités truculentes : configuration «Abbaesque» sur “Doves Circled The Sky…”, chevauchée western spaghetti sur “Here Comes My Hand”, jusqu’au poignant recueillement au piano sur “I Heard It Sound” dont les sifflements filent le tournis… Dans cette paroisse squatte incontestablement une étrange tribu d’influences néo baba cool : Danielson Famile pour l’insouciance et cette théâtralité. On peut aussi les rapprocher de la psyché-folk un brin mystique prêchée par les révérends Besnard Lakes et Phosphorescent.

Autant dire qu’au sein de cette troupe, les sermons prennent parfois des tournures endiablées. Lorsque, après la récréation, la fanfare se met en branle, comme sur “These Are the Eyes”, un frisson nous prend : un petit rictus nerveux nous fait plier le coin de la lèvre supérieure, comme conscients d’assister en direct à un soulèvement impossible, que quelque chose vient de se mettre en marche. De mémoire, la dernière fois que ce T.O.C nous était apparu, c’était pour “Rebellion (Lies)”. Restons tout de même mesuré, sans maintenir le brasier émotionnel d’un Arcade Fire sur la longueur d’un album, les apprentis Bodies of Water montrent tout de même déjà de sérieuses dispositions. De quoi ouvrir l’oeil en attendant juillet, et grande la bouche. Nous, on retourne prendre l’hostie.

-Le site officiel de Bodies Of Water