De la promesse à la consécration, Tony Malaby fait plus que sauter le pas avec cet exceptionnel Tamarindo. Signature sur le vivifiant label portugais Clean Feed, section rythmique de haute volée (William Parker à la contrebasse, Nasheet Waits à la batterie), compositions et production assurées de main de maître par le saxophoniste lui-même : ce nouveau trio free jazz en impose, pas seulement sur le papier s’entend. Impose quoi ? Une expressivité reine, déclinée en trois approches conjointes et sécables à la fois. Chacun son aire de jeu, son espace physique propre où se déploient formes et lignes, méandres et sinuosités, mais une mélodie commune, autour de laquelle s’enrouler, tirer sa force, libérer sa colère, exprimer sa joie. Concrètement : “Tamarindo”, morceau éponyme captivant, introduit en douceur par un Malaby esseulé, sax hésitant, plaintif, appelant la compagnie de ses proches, et de fait bientôt rejoint par une bourrasque rythmique, ne lâchant pas la mélodie pour autant, la tenant solidement du bout des lèvres, malgré le chaos environnant et la succession des arabesques oppressantes, opposant maintenant sa puissance vitale à l’archet menaçant subitement sorti par Parker le magnifique, avant que la furie cède du terrain, calme d’après la tempête, derniers échos du passé réduit en cendres, ouf. Une telle tension, permanente, anime les six morceaux de Tamarindo, moins d’ordre conflictuel que propice à un échange passionné et l’émergence d’une puissante musicalité, axée sur les émotions de chacun des musiciens. Se nourrissant l’un l’autre, ces derniers ne semblent jamais à court d’idées pour façonner dans l’instant des architectures sonores complexes, aussi grandioses que fragiles. De l’art de tendre et détendre la corde vitale du jazz.

– Le site de Tony Malaby
– Le site de Clean Feed
– Le site de Orkhêstra International