Envoyer valdinguer les CDs assommants d’Animal Collective pour se laisser berner comme un bébé par les trois accords désinvoltes de The Blakes. Du rock vintage stimulant et, surtout, un peu de simplicité, voilà ce qui nous manquait.


Difficile de croire que ce trio mal rasé emprunte son nom à William Blake, illustre poète londonien et romantique jusqu’à la folie. Les Blakes, eux, ont les cheveux gras (leurs riffs tout autant), portent le cuir bien serré et ont des gueules à s’attirer les ennuis rien qu’en souriant… Originaire de Seattle, le combo s’est formé en 2001 mais s’est depuis délocalisé à Los Angeles. Il va sans dire que la perspective d’une carrière semble le cadet de leurs soucis. Les deux frères Keim, Garnet (chant, guitare) et Snow (basse/chant) ainsi que Bob Husak (baguettes magiques, tronche de paumé magnifique et sosie improbable de Judah Bauer) végètent, ou plus poliment, cherchent leur voie… jusqu’en 2005 où, traînés dans un studio, ils finissent par presser leur premier single “7/inch”. Sans ce coup du destin, il est fort probable qu’ils croupiraient toujours dans leur cave. On serait prêt à mettre la main au feu que cela ne les perturberait pas pour autant.

Que dire de leur formule garage rock si ce n’est qu’elle paraît de prime abord archi-éculée, perdue d’avance au regard de la quantité astronomique de groupes en « The » qui pullulent depuis la prise symbolique des Strokes. Seraient-ils les ders des ders ? Cela en a tout l’air. The Blakes ne prend même pas la peine de camoufler leur distorsion de tâcheron dans une production dans le vent (canadien). Et pourtant… confessons-le, cette galette nous fait jubiler, nous donne envie de piquer une sévère crise régressive : 13 brûlots rock infaillibles, universels (enfin pas pour Céline Dion), le tout plié en 35 minutes.

Aller à l’essentiel, bannir les plans solo interminables et le ronron théorique, ne retenir que cette accélération du refrain, cette évidence qui laisse sur le carreau, toute la science mélodique des frères Keim repose là, et gageons qu’ils ont la Gretsch facile ! De prime abord, cela ressemble à du Black Rebel Motorcycle pour son arrogance suprême (“Magoo”, le Stonien “Lie To Me”) mais tout bien pesé, l’esprit « la première prise est la bonne » les rapproche plutôt du binôme White Stripes. “Two Times” écrite, ou plutôt « crachée » en sept minutes, résume bien cette furia rock’n’roll, condensé d’énergie brute et invulnérable.

S’ils embrigadent tout le monde en un rien de temps via un rythme binaire relevé, les frérots Keim ont aussi la corde pop sensible. En redoutables ciseleurs de mélodies, ils révèrent d’autres frères terribles, les frères Davies des Kinks, parrains du romantisme cockney et gros bagarreurs à leurs heures perdues. Un modèle tellement référent qu’une de leurs chansons issue de leur premier EP s’intitule “Village Green”. Les fébriles “Lint Walk” et “Run” pourraient être la réponse US aux lads britons Pigeon Detectives, des pop song mal vissées, adolescentes dans l’âme, qui courent après nos actes manqués, appuyées d’un orgue Hammond à faire pleurer dans les chaumières.

Mine de rien, ce premier album est la meilleure compilation de rock bâtard du moment. Armés de quelques tubes séduisant et réglés comme le clic d’une Winchester – “Don’t Bother Me”, “Lie Next To Me”, ou “Committ” celui-là tout droit venu du cerveau d’un Paul Weller vingtenaire – The Blakes vont tirer le jackpot, c’est certain. L’Olympia leur a déjà été acquis avec les Kills. Et peu importe si cette verve perdure ou qu’elle soit éphémère (c’est en soit son essence), elle procure tellement de frénésie sur l’instant que le reste est secondaire. Les chants de l’innocence écrivait Blake, tout bien révisé ce nom leur va comme un gant.

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