Echappée débranchée et en solo de Scott McLoud, meneur des assourdissants Girls Against Boys, dévoilé sous un jour mélancolique. Failure American Music est de ces disques qui sonnent.


On n’avait pas vu arriver dans la bergerie ce vieux loup de Scott McLoud. A la vérité, nous avions aussi raté Girls Against Boys, son cultissime combo hardcore, trop occupés alors à dresser nos esgourdes sur Dinosaur Jr et les Pixies (et quelques autres noms moins avouables…). Scott McLoud donc, tortionnaire du riff sismologique et voix des Girls Against Boys, surpuissante machine de guerre qui a valeureusement servi le label Touch & Go et le hardcore mélodique au cours de la première mi-temps des années 90. Compte tenu de notre retard, nous posons sur ce projet solo nos ouïes vierges de tout acouphène et considérations puristes. Ce qui s’avère peut-être une bonne chose.

Avec ce premier effort qui succède à l’ultime You can’t Fight What You can’t See (2002, Vicious Circle) des garçons new yorkais, Paramount Styles manifeste une volonté d’assagissement salvatrice. Le chanteur et guitariste prend congé des balles sifflantes pour creuser une mélancolie ténébreuse dans le corps d’une guitare sèche et d’un cello aristocratique. La tête haute, il nous livre une poignée de ballades folk-rock intenses, brimées et fantomatiques. Une virée (ou virage) acoustique en solitaire, secondé notamment par son marteleur attitré depuis vingt ans, Alexis Fleisig, le guitariste Richard Fortus (Guns N’ Roses, Psychedelic Furs) et la chanteuse Angela McClusky (sur la belle correspondance en duo “Come To New York”).

Ce qui fait le sel de ce disque de fêlures, c’est incontestablement le timbre éraillé du crooner rock, fatigué après s’être époumoné plus que de raison. McLoud chante l’un de ses vieux thèmes de prédilection : entre quelques lettres de rupture, Failure American Style dresse le portrait décrépi d’une Amérique matérialiste, marchant sur les étoiles souillées d’Hollywood Boulevard, son pouvoir d’attraction (“Paradise Happens”) et d’autodestruction (“Hollywood Tales”). Sa présence grave, très masculine, plutôt mâle que mal, donne une dimension de vétéran rocker sur le retour particulière… Toujours alerte, le chanteur/guitariste offre aussi quelques magistrales rythmiques de bois embrasé qui ne manquent pas d’emphase (les bien balancés “Race You Til Tomorrow”, “Paradise Happen”), n’hésitant pas à relever un chouïa le grain électrique, moins pour rebuter les fidèles, mais plutôt pour servir avec justesse la tension émotionnelle (“Alleyesareyounowmypet”). Quelques discrets contours électroniques sur la fin de l’album, l’apaisant “Drunx, Whores & MZK People” ou “The Crazy Years” augmenté de nappes dérangeantes, démontrent que Scott McLoud est bien plus qu’un simple franc-tireur venu des eaux troubles du hardcore. L’un des morceaux les plus poignants est à ce titre un instrumental piano/guitare acoustique (“One Last Surprise”).

Grand disque mineur, Failure American Music est peut-être l’album qu’on aurait aimé entendre de Bob Mould ou Frank Black dans une configuration roots, jouant les Johnny Cash épaulé de Rick Rubin. Depuis peu de temps, les Girls Against Boys ont repris la route pour une poignée de dates en Europe, présage d’un nouvel album en préparation. Et nous, nous ne pensons plus qu’à une tournée solo acoustique de Scott McLoud.

-La page Myspace de Paramount Styles