Musique de chambre et pop music : qui a dit que ces deux genres que quelques siècles séparent étaient incompatibles? Certainement pas F.M., qui nous prouve le contraire dans ce premier effort.


La musique classique et la pop se croisent, régulièrement, et ébauchent des entrelacs plus ou moins ténus, entretenant des rapports de confiance ou de défiance. Il serait inutile en effet de les opposer à la manière de deux monolithes qui se font face sans jamais échanger la moindre complicité ni esquisser la plus infime rivalité. Une musique populaire contre une musique élitiste ? Si le manichéisme de cette alternative est facile, c’est qu’il est effectivement inadapté à la réalité musicale. Car nombreux sont les artistes qui ont établi des ponts réussis entre le classicisme – et la rigueur de formation qu’il implique – et la modernité, forcément plus frivole et immédiate. De Nick Drake, le poète acoustique aux instrumentations raffinées, ou plus récemment, à l’ambition harmonique de The Divine Comedy ou aux cordes sensibles de Joanna Newsom, la musique classique est ce repoussoir infiniment riche qui rehausse l’ambition pop de ces artistes hors du commun.

F. M., alias François Maurin, est le prochain à se prêter à cette alchimie périlleuse d’une « pop de chambre », alliant sa guitare acoustique et son timbre velouté à un quatuor classique : violon, alto, violoncelle et cor. Si le concept n’a donc rien de révolutionnaire – impensable de s’émerveiller devant la présence d’un trio de cordes à l’heure où celles-ci sont régulièrement convoquées – la visée, elle, nous interpelle, car l’équilibre entre musique pop et musique classique penche cette fois-ci clairement en faveur de cette dernière. La solide formation classique de F.M., doublée d’une culture musicale sans doute assez conséquente, est à l’origine de ce premier album très mélodieux, aux harmonies recherchées, modeste dans sa réalisation mais assez ambitieux dans son pouvoir d’évocation.

“We Can Fly !” suggère t-il ainsi dans son ouverture tout en variations chromatiques infinitésimales, fort d’un écrin de cordes qui enrobe gracieusement la partition à la guitare sèche. La voix évoque celle de Josh Haden, le crooner paisible de Spain, dans son timbre chaud et légèrement voilé. Après cette entrée en matière des plus soyeuses, F.M. s’adonne à d’autres variations plus légères, tant dans l’interprétation que dans l’instrumentation. “My Way To The Stars” se construit autour d’arpèges acoustiques primesautiers, bientôt soutenus par des pizzicati de cordes et des nappes de violons, qui prennent le dessus sur la fin du titre. Dans le morceau éponyme, c’est un thème aux violons et l’errance à peine perceptible du cor qui constituent le leitmotiv d’un titre pop au classicisme indémodable : le refrain, qui s’appuie autant sur les accords rythmiques de la guitare que sur l’accompagnement de cordes, en est une réussite exemplaire.

F.M. s’essaie également à une interprétation plus grave, comme sur “Certain People” ou “Tired And Dirty”, où le chant, qui se fait plus puissant et plus assuré, confère une dimension d’urgence jusqu’à lors absente de ces variations pop en mode classique. “Love Song” rappelle quant à elle toute l’âme d’un Nick Drake. La voix, soudain plus grave et monocorde, se découpe sur le balancement binaire des accords, bientôt tempéré par un passage instrumental où les cordes insufflent un nouveau mouvement, plus délié, presque docile, jusqu’au crissement brutal qui résonne comme un cri.

Au fil de A Dream Or Two, F. M. convoque trois titres empruntés au répertoire pop le plus orthodoxe : “Killing An Arab” de Cure, “Heart of Glass” de Blondie et “Always The Sun” de The Stranglers. Nous sommes certes habitués aux reprises décalées, qui essaient, par un renversement de tempo ou un jeu à contre-emploi, d’apporter une vision nouvelle des standards de la pop. Ces trois tentatives s’inscrivent dans cette optique, et sont même assez réussies, surtout “Heart of Glass”, transfigurée par la dextérité des archets.

La présence de ces reprises, tout comme l’agilité et la finesse avec laquelle F.M. se joue des styles et des frontières convenues, font de ce A Dream Or Two un très bon album de musique pop, conformément à l’ambition affichée de François Maurin : un vrai disque de « new popular music ».

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