Le post-rock lo-fi de SZ frappe fort sur ce second opus compact et érudit. Un groupe de l’ombre qui fait des misères à la lumière.


Il s’en passe de belles, sous terre, même en France. Tenez, prenez le post-rock, un genre que l’on croit réservé à nos amis anglo-saxons ; pourtant, en grattant sous l’écorce et en creusant le derme de l’underground jusqu’au sang, on y trouve des tissus surprenants, qui ouvriront aux musicologues de tout crin un champ d’études quasiment vierge. En clair, en France aussi on pratique un post-rock savant et même régulièrement brillant. Il suffit de persévérer. La preuve avec SZ.

Un peu moins de trois ans plus tard, Franck et Damien Litzler donnent enfin une suite à l’acclamé Home Recording – Live Recording, un double album qui offrait un post-rock lo-fi redoutable et déroutant. Autumn Leaves Latin Comes est le digne successeur de ce premier coup d’éclat, à la différence près qu’il s’agit d’un album simple.

Les onze plages instrumentales du second opus de la fratrie sont autant d’invitations à se perdre, alternant sans coup férir pop malade et rock fiévreux, accompagnant à l’occasion ici un petit enfant soliloquant dans la langue de Migala – judicieuse “El tercer O.” -, ou là une déclamation à la frontière du slam sur fond de folk-rock passé par les armes – “Toallita”. À plusieurs reprises, on entend un des deux frères parler, compter, éventuellement menacer, l’enregistrement très en retrait de la voix donnant parfois l’impression étrange d’espionner deux savants fous en pleine expérimentation. De fait, Autumn Leaves Latin Comes est un élixir fumant, fruit du mélange explosif du punk le plus primal et d’une pop-folk écartelée à la méthode moyenâgeuse. Au sein d’une même plage, sous des arrangements apparemment traditionnels se tissent des instants de fièvre qui rivalisent d’invention avec d’autres moments notablement plus extatiques, tant et si bien qu’on ne sait jamais où les frères Litzler veulent guider l’auditeur.

Pourtant, et c’est la grande force de SZ, chaque morceau semble être la version instrumentale d’une chanson classique, mais brutalement démantelée et remodelée selon les plans sadiques des deux gaillards. Un peu comme si les Yo La Tengo, dans leurs grands moments, avaient débranché les micros et laissé libre court à leur légendaire fertilité en enregistrant sur des bandes périmées et avaient abandonné le résultat à un mixeur anarchiste. A noter que le duo construit ses morceaux grâce à une science infinie du sampling, élément surprenant à l’aune de l’énergie littéralement punk d’un titre comme “Jer’song”, brûlot emblématique de ce paradoxe, qui mélange brillamment des guitares répétitives à une batterie que n’auraient pas reniée ces grands frappadingues de Battles. Un titre qui passe par tous les états à l’image de cet album.

Autumn Leaves Latin Comes est une expérience, certes, mais qui n’oublie pas qu’il s’agit avant tout de plaisir, autant du jeu que de l’écoute. Du grand art en somme.

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