Resserré autour du tandem Colin Newman/Graham Lewis, Wire continue de développer d’épatantes variations soniques, perpétuant l’excellence d’une oeuvre expérimentalement rock façonnée depuis plus de 30 ans.


Le voilà donc, cet « objet 47 », onzième opus studio et 47ème sortie discographique, tous formats confondus, des cultes activistes de l’art punk, ou genre plus généralement dénommé post-punk. On insiste là-dessus : bien que formé en 1976, Wire appartient au post-punk car trop avant-gardiste pour être punk…

Reformé à l’aube du XXIe siècle pour des concerts d’anthologie, le quatuor livrera quatre ans plus tard l’album sans rémission Send (2003), accompagné des EPs Red & Burn ainsi que d’un superbe live/DVD. Du groupe d’étudiants de l’Art School de Watford formé en 1976, il ne reste cependant en 2008 que le noyau nerveux, Robert Gotobed (aka Robert Grey, batterie) Colin Newman (guitare/chant) et Graham Lewis (basse) – Bruce Gilbert (guitare) ayant de nouveau quitté le navire en 2004. Aujourd’hui, Wire est devenu un laboratoire de rock industriel qui, bel antagonisme, ne sort plus des disques en quantités industrielles comme du temps de sa suprématie 70’s : Graham Lewis vit à Uppsala en Suède, Colin Newman est lui plus accaparé par une multitude d’activités (son projet parallèle Githead, ses activités de gérants des labels Pink Flag et Post Everything, ainsi que ses services de consultant pour des rééditions d’albums glam 70’s). Après plus de 31 ans d’existence, le besoin frénétique d’enregistrer à la chaîne, comme du temps des glorieux débuts, n’a plus vraiment de raison d’être. Ce qui différencie Wire des autres habituelles reformations qui se contentent de reproduire l’illusion d’un période chérie par les fans, c’est au contraire cette nature à pouvoir se remettre en question à chaque album.

Certes, Wire n’a plus trente ans d’avance sur ses contemporains (disons seulement dix) mais leur soif d’expérimentation demeure dangereusement alerte. Déjà pressentie sur le très bon EP Read & Burn 3 livré en début d’année, Object 47 forge une nouvelle esthétique moins radicalement bruitiste que sur le très tendu et machinique Send. Les incursions électroniques alliées à la basse rouleau-compresseur de Lewis s’octroient davantage d’espace, procurant conséquemment une pulsation dense et inédite (l’anormalement décéléré “Patient Flees”), voire à la limite du « groovy » (“Foor Long Years”). Une profondeur providentielle tenant en partie du fait que Colin Newman, désormais seul à prendre en charge les guitares, libère de leur carcan des arrangements et des textures impressionnistes (à l’exception de l’oppressant “All Fours” où l’hôte Page Hamilton d’Helmet frictionne sur son ampli des éclairs de feedback). Les lignes mélodiques, généralement cachées sous l’épaisseur de la compression de distorsions, s’éclaircissent sur “Perspex Icon” et le surprenant “Are You Ready” qui louche carrément vers XTC. Excellent mélodiste, Colin Newman n’avait pas poussé aussi loin son sens harmonique depuis “Kidney Bingos”, voilà plus de 20 ans !

Toutefois, sur le plan de la mise en son, Object 47 poursuit dans cette même veine à la fois étouffante et hermétique que son prédécesseur. Sans appartenir à une mouvance math rock, ni aucune autre, Wire calcule un rock mathématique très élaboré et précis. Ces progressions elliptiques et métronomiques renverraient plutôt à la renaissance 80’s de King Crimson avec Discipline, un autre grand groupe capable de transformations géniales. Mais il est fort à parier que bon nombre de puristes n’accepteront pas ce rapprochement, venant d’un groupe « ennemi »… de rock progressif.

– Lire également la chronique de Read & Burn 3

– Le site officiel de Wire

– Quelques extraits sur Myspace