Depuis la fin des années 1990, Sonic Youth sort régulièrement, sous l’égide de son label SYR, des albums ouvertement noise et expérimentaux. Ce huitième volume, assurément un des meilleurs, enregistré au Roskilde Festival le 1er juillet 2005, réunit sur près d’une heure de musique abrasive le quintet de l’époque (lire avec Jim O’Rourke dans les rangs), le saxophone du Suédois Mats Gustafsson et les machines du Japonais Masami Akita (aka Merzbow). Avec une telle association de sorciers sonores, on imagine aisément que la mixture hautement improvisée qui va émerger de leur cerveau en ébullition n’aura rien de conventionnel ni de rassurant. À tympans prévenus esprit serein : la déferlante musicale entendue ici emportera sur son passage bien des convictions. Il est question ici de sentiers perdus, plus que battus, qui ne mènent nulle part, c’est-à-dire précisément vers ce lieu aveugle qui n’existait pas avant que l’on s’y aventure et dont on a déjà perdu l’adresse. Le grand art de la première fois, où tout se joue, se vide, exulte, puis disparaît à jamais. Intensité et vitesse. Sauvagerie de l’instant qui passe. Voilà où nous plonge Andre Sider af Sonic Youth, commencé avec les râles gutturaux de Kim Gordon. Puis, tout s’emballe, les repères disparaissent, les moments de calme apparent basculent subitement vers des accès de fièvre, le temps s’affole. Contraction, dilatation, on est en son coeur. Demeure malgré tout un semblant de structure, avec des apparitions alternées distinctes (Sonic Youth commence, puis Mats Gustafsson poursuit et Merzbow termine, pour aller vite), mais cela est bien anodin en regard du bouillonnement de timbres percutés, du tremblement frénétique de matières entrechoquées, de l’électricité contagieuse. Le monde, seconde après seconde, se réinvente dans le chaos de son inachèvement. Et à la fin, on applaudit.

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