Intraçable depuis 1997, le trio Oneida développe une tension terrifiante, quelque part entre kraut, post-rock, free jazz et acid rock. Une bonne idée de la température au centre de la terre.


Il est facile de se perdre dans la discographie pléthorique de ce trio de Brooklyn, assurément l’un des plus barrés du troupeau acid rock, toute période confondue. Entre les productions ambitieuses sorties sous l’étiquette Jagjaguwar et celles plus axées sur la brèche expérimentale, distribuées de leur propre chef sur leur microstructure Brah Records (au compte-goutte), sans écarter les B.O, split Eps et autres sides projects, ce flux surabondant exige sans doute quelques filtres. Certains enregistrements découlant d’improvisations s’avérant purement et simplement des exutoires artistiques au titre de, comment dire, la beauté du geste (sic). Néanmoins, on sait aussi Oneida capable de belles fulgurances, comme ce fut le cas avec le totem stoner Each One Teach One (2002) et l’imposante dragée mélodique de The Wedding (2005).

Papa Crazy (guitare/chant aka PCRZ), Bobby Matador (claviers aka Fat Bobby) et Hanoi Jane (guitare/basse aka Baby Jane) ont clôt leur première décade l’année dernière sans pour autant freiner la cadence. Leur dernier chantier conceptuel en date accuse encore une fois leur degré de folie, mais aussi leur télépathie instrumentale, comme on le verra plus loin. Preteen Weaponry se veut le premier volet d’une trilogie (deux albums suivront en 2009) intitulée Thanks Your Parents, centrée autour du thème des affres de l’enfance. Nettement plus ardu d’approche que ces deux précédentes livraisons, le résultat n’en est pas moins à forte teneur hypnotique. L’ouvrage, quasi-instrumental, se divise en trois plages épiques, assez déroutantes, chacune comprise entre 11 et 14 minutes. En vérité, il s’agit d’une seule et même composition déclinée en trois parties.

La première partie se veut une transe monolithique et inquiétante, dilatée sur près d’un quart d’heure. Une basse, tendue comme un nerf de boeuf, martèle une progression sans repères, elliptique, sous l’impulsion d’une batterie tribale faramineuse… Le trio explorateur retient le temps dans l’abstraction, sonde les failles tectoniques ouvertes par des percussions chamaniques, perçant sous la vase et à travers l’inconnu un noir impénétrable.

La seconde partie installe un chaos moins pulsatif, encore plus oppressant, poussé jusqu’au bord du précipice. Pris sous l’oeil du cyclone, des sons incroyables sortent de ce blizzard où se percutent des coups de tonnerre saturés et des strates effrayantes de larsen convulsé. La voix de Papa Crazy s’y élève à mi-parcours, plus incantatoire que chantée, glaçante. La jeunesse n’a pas dû être rose tous les jours…

Enfin, la dernière étape scelle l’éclatement définitif des structures et des mélodies, quelque part entre le butin aride et cathartique d’un Tago Mago et le Karma, free jazz halluciné d’un Pharoah Sanders. Une fission apocalyptique se déclenche, fruit d’une liberté débridée découlant d’une communication instrumentale bel et bien au diapason. Il convient d’insister sur le fait que le trio psyché-rock a enregistré «chaque partie à différents moments et dans différents états d’esprit, ceux dans la même journée» . Pas sûr qu’on ait fini d’ingurgiter ce ragoût acidulé lorsque le second volume de la trilogie, nommé Rated O, sortira en février 2009. Un triple album, au fait… Les vannes de leur élixir cosmique ne semblent pas prêtes d’être refermées.

– La page Myspace d’Oneida