Voici un trio de fins limiers qui papillonne entre les styles (bop, free, musique orientale, voire africaine), l’avant-garde et le jazz mainstream, tout en élaborant une esthétique des plus cohérentes, à défaut d’être fondamentalement novatrice. Cela sans forcer un talent depuis longtemps émancipé de sa chrysalide. Principe de la métamorphose : le dépli des formes, en un battement d’ailes. Belle propension de la formation à construire/déconstruire des architectures harmoniques, foisonnantes mais toujours lisibles, autour d’une mélodie serpentine, à tramer des récits musicaux comme autant de délectables fantasmes. Elasticité (mouvement) plutôt que fixité (statisme plastique), clairement palpable à l’écoute des oscillations rythmiques d’Adam Lane, dont le toucher allie vivacité, ductilité et précision de l’impact (les prises de paroles/baguettes de « The Last of the Beboppers », « Avanti Galoppi »). A la contrebasse, Lou Grassi épouse lui aussi des courbes à la fois souples et tendues, cède à la tentation de l’échappée belle (le bourdonnement liminaire de « Like Nothing Else », les remous accidentés de l’épique « Chichi Rides The Tiger ») pour mieux réinvestir le coeur de l’exposé collectif, trace des lignes directrices imposantes (tel l’axe joyeusement obsédant de « Sanctum » et « Avanti Galoppi ») que ses comparses s’échinent ensuite à faire dévier où bon leur semble. Allers-retours et déviations empruntés également par le saxophone alto (ou la clarinette) de Mark Whitecage, songeur et méditatif à l’occasion (« Avanti Galoppi », « Marshall »), le plus souvent haletant (« Chichi Rides the Tiger », « Drunk Butterfly », « Imaginary Portrait », « Five O’Clock Follies »). Au final, associations et projections finement pensées, formes ouvertes et recloses nouées à un désir de fraîcheur et d’accomplissement partagé font de Drunk Butterfly une oeuvre aussi admirable que délectable.

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