Pour sa quatrième production, le label virtuel Sans Bruit présente une formation plus étoffée que précédemment, soit un quintet international composé de deux batteurs (Didier Lasserre et Makoto Sato), un contrebassiste (Benjamin Duboc) et deux trompettistes (Itaru Oki, aussi aux flûtes et tubes, et Rasul Siddik maniant par ailleurs divers objets sonores). Deux morceaux à la longueur conséquente (vingt-six et vingt-deux minutes) déroulent un panorama musical aux contours flous, obéissant à une lente progression de motifs enchâssés les uns dans les autres. Une architecture volontiers évanescente, tout de même structurée par quelques prises de paroles collectives épisodiques et convulsives, conçues comme autant d’acmés libératoires. Pareil travail d’improvisation enregistré live échappe, en partie à tout le moins, à l’entendement, sollicitant au premier chef les sens de l’auditeur, plongé qu’il est dans un enchevêtrement de sons qui se déversent selon d’énigmatiques forces centrifuges. Sans doute faut-il ici accepter pleinement de se perdre dans les rets d’une musique quasi liquidienne qui n’a de cesse d’accumuler de la matière (superposition/association des timbres, polyrythmie, myriades de sons épars) pour mieux la disperser aux quatre coins des plages. Au mitan de “Nuts Society”, l’espace semble pourtant laisser davantage de place à l’individuation instrumentale ; trompettes puis contrebasse dialoguent alors avec le silence et se font entendre à l’écart des autres instruments. Mais le fond de l’air est free et bientôt une nouvelle vague refait surface, bouillonnement d’écume ininterrompu d’où émergent de nouvelles textures captivantes. Un art sensoriel et débridé de la connivence, comme une manière de démocratie participative, sauvage et pragmatique, débarrassée des discours pontifiants.

– Le site de Sans Bruit, où télécharger l’album