Belle surprise que cette parution posthume d’un des derniers albums du grand Mal Waldron, qui échange ici avec le saxophoniste David Murray, en toute intimité et liberté, quelques notes déposées au bord de la nuit. Enregistré sur deux jours à Bruxelles, en octobre 2001 (soit quatre mois avant Left Alone Revisited, autre duo mémorable avec Archie Shepp, et dernier disque avéré du pianiste), Silence est toutefois moins une oeuvre crépusculaire (à l’instar du sublime One More Time) qu’une quête recueillie de l’enfance, celle d’un art chanté à deux. Un retour à l’essentiel, à l’essence même d’une musique qui arrêterait le temps pour lui substituer une forme d’insouciance retrouvée, de joie entendue qui coulerait à l’intérieur d’un seul tronc jusqu’aux racines post-bop sans quoi elle n’existerait pas. C’est à la clarinette basse que Murray entame le disque, souffle long et charpenté, souligné par les nuances rythmiques et mélodiques d’un piano discret, à la quiétude rayonnante (“Free For C.T.” signé Waldron et Roach). Déjà, l’espace — comment l’occuper, s’y livrer, le partager, le faire jouer — est au coeur de l’exposé. À l’autre bout du disque (sur le fameux “Soul Eyes” de Waldron), muni du même instrument David Murray, décidé et délicat à la fois, épouse la patience, sinon sagesse, du pianiste, suspend son souffle à son phrasé somnambulique et hypnotique. Ailleurs, notamment sur le morceau éponyme composé par le saxophoniste ténor, plus ramassé et tendu, le duo dévie en beauté avec une floraison de notes démultipliées. L’album alterne ainsi de retenue en saillies, de divines caresses, souvent, en brèves contorsions, parfois, du mouvement à l’immobilité, l’un menant à l’autre, puis inversement. Et, entre absence à soi et exaltation, de battre une musicalité à tout rompre.

– Le site de Justin Time