Vandaveer ou de l’art du troubadour folk en guenilles revisité. Laissez-vous cueillir par ce petit disque de rien du tout.


C’est un peu par hasard (dépit ?) que l’on jeta notre oreille sur ce disque. Il faut dire qu’il a longuement occupé l’étagère près du lit, coincé entre le catalogue d’un magasin de meubles suédois et la taxe d’habitation, disque oublié de s’être présenté à nous avec trop de modestie. Et un jour de désoeuvrement, la sempiternelle séance de rangement hebdomadaire nous fit remettre la main dessus. La curiosité a fait le reste. Et c’est précisément lorsqu’on n’attend strictement rien d’un album que l’on goûte avec délices ses saveurs juteuses quand il en regorge. Grace & Speed est ce disque parfait, et Vandaveer, aka Mark Charles, notre nouvel ami.

Les premières secondes de “However Many Takes It Takes” sont principalement responsables de ce frisson ininterrompu avec sa guitare aérienne et cette voix d’emblée si familière, chaleureuse et habitée. Vandaveer oscille dans la grande marmite folk, pratiquant d’incessants allers-retours entre son fond grumeleux et sa surface bouillonnante. L’oreille désormais accrochée, inutile de résister au pas de danse languide de “Marianne, You’ve Done It Now” qui n’est pas sans évoquer la “Suzanne” de Leonard Cohen, en plus ingénue peut-être derrière sa clarinette fureteuse. Puis, la chanson-titre nous crucifie avec son refrain ânonné immédiatement imprimé dans notre matière grise, ses harmonies vocales comme autant de bulles d’air qui éclateraient au dessus de nos têtes. Un bol de miel. Cela ne fait déjà plus de doute, Mark Charles est un sacré numéro.
Mélodies en bandoulière, six-cordes offerte à la nuit, rocking-chair en pleine action, le résidant de Washington chante pour les lucioles et les chauve-souris, et nous convie à écouter la rosée tomber. On entend Nick Drake sourire où qu’il soit, Elliott Smith soupirer d’aise en balançant une petite tape amicale sur l’épaule de Townes Van Zandt. Tantôt roublard, tantôt fragile, souvent malicieux, Mark Charles navigue à vue sans souci de l’instant d’après, sautillant d’une valse de poche à une ballade juste mélancolique mais jamais triste, laissant de temps en temps un bout de batterie salir son bonnet, ou quelques choeurs rencontrés par hasard lui mordiller les mollets.

On se laisse prendre par la main sur ces sentes buissonnières, laissant découvrir à l’orée d’une forêt une échelle à corde menant droit à la lune, avec ce Pierrot attachant comme guide. Se contentant de peu, Vandaveer irradie notre vie de ses accords en poussière d’étoile (vous savez, celle qui fait voler) et nous guide vers un monde qu’aucune éclaboussure ne vient entacher. Il ne faut pas refuser le bonheur quand il se présente, c’est ce que l’on apprend à nos enfants. Alors commençons déjà à nous appliquer cette règle béate, surtout que Vandaveer nous en montre le chemin. Et de nous remettre au ménage de manière plus assidue, des fois que l’on retomberait sur d’autres bibelots aussi charmants.

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