Dédié à la mémoire du pianiste Andrew Hill (1931-2007) et du saxophoniste Dewey Redman (1931-2006), le bien nommé Ancestors s’inscrit ouvertement dans le sillon d’une certaine modernité, champ à labourer sans cesse plutôt qu’à entretenir placidement à l’ombre de mentors invétérés. Aux antipodes d’un élan conservateur, Mario Pavone (68 ans) propose au sein d’un nouveau quintet vibrionnant une intense et enthousiaste immersion post-bop (plutôt hard, avec quelques accents volontiers latino — cf. “Arc for Duppy”, un morceau arrangé par Steve Bernstein). Solide sur ses bases, l’approche passionne au plus haut point en raison d’une généreuse expressivité qui redéfinit constamment les frontières approchées, laissant la porte ouverte à des velléités plus libertaires (notamment sur “Strata Blue” et “Iskmix” arrangés respectivement par Michael Mussilami et Dave Ballou). En leader expérimenté, le contrebassiste impose une marche à suivre et des qualités d’exécution (un remarquable alliage de puissance et de finesse) qu’il transmet à ses quatre comparses du moment, lui emboîtant d’ailleurs le pas avec une évidente maestria. Exemplaire l’alerte mouvement de “Tomes”, initié par l’alliance rythmique de Pavone et du batteur-équilibriste Gerald Cleaver, renforcée par la suite par les greffes successives du saxophone impétueux de Tony Malaby, puis celui non moins anguleux de Jimmy Green, et enfin du piano haletant, aux lignes parfois tayloriennes, de Peter Madsen, sans que l’arc rythmique, en filigrane, ne se relâche en quelque endroit. Reconduit tout au long d’Ancestors, mais sans la moindre redite, pareil déroulé confine en un époustouflant soulèvement de forces. Une manière de jouer collectif, à la fois flexible et décidée, se fait ainsi jour à travers tout un savant enchaînement de prises de position de la part de musiciens alliés pour le meilleur et liés entre eux par un sens commun du groove. Pas le temps de se poser ici, partout une énergie qui ne faillit pas à justifier sa nécessaire existence, voire sa suprême survivance.

– Le site de Mario Pavone
– Le site de Orkhêstra