Les joyeux Davy Crockett du label Sub Pop ont disséminé quelques pièges mélodiques sur leur territoire pop/folk psychédélique zélé. Riche et au poil.


Passé un peu entre les filets des podiums musicaux de fin d’année, Furr, le quatrième opus du sextet de Portland sorti en septembre, aurait mérité meilleure considération. Peut-être fallait-il attendre l’hiver, quand les manteaux de fourrure révèlent leur plus beaux poils, pour ainsi découvrir sa véritable nature. Déjà son prédécesseur, Wild Mountain Nation (2007), n’était pas passé inaperçu dans nos colonnes. Sur ce dernier, ces coureurs des bois n’avaient pas leur pareil pour escalader la pop des Appalaches sur ses versants les plus escarpés, chassant sur les terres nobles du Buffalo Springfield, de The Shins et des Flaming Lips. Mieux bardé pour gravir de nouveaux sommets, leur seconde livraison chez Sub Pop offre en renfort une griffe pop de plus en plus marquée.

Et pour cause : en première ligne, le songwriter Eric Earley — rat de studio notoire flanqué de la casquette de producteur — aurait composé ces treize pistes acidulées sur un vieux piano à l’abandon. Avec la prédominance d’un piano, cet instrument imposant qui ne passe jamais inaperçu dans une pièce, les banjos et autres instruments qui squattaient donc leur grange/studio sous fumigènes bénéficient dorénavant d’un allié de poids. Notamment pour consolider les fondations mélodiques (le flagrant “Saturday Nite”). Dès l’ouverture “Sleepy Time in The Western World”, l’appel de la côte Ouest, celle de Jimmy Webb et de Dennis Wilson se fait entendre. Du haut de leur pic, les Blitzen Trapper regardent le soleil couchant de la Californie se reflétant sur le bleu de l’océan, un orgue hammond lumineux glissant sur les rouleaux de vagues. Ces paysages de carte postale seventies ont décidément le vent en poupe, on pense beaucoup aux ambiances laid-back du second album de David Vandervelde, sorti il y a quelques semaines.

Sous son épaisse fourrure, Furr dissimule une doublure intérieure des plus bariolées. Si le son poussiéreux, à la fois chaud et craquelé, est perceptible sur bandes, le modernisme n’est pas un frein à leur soif d’authenticité americana. “Black River Killer”, folky à souhait, bricole et recolle du Beck période Odelay. “Furr”, superbe également, où un harmonica indique le chemin d’Highway 61, est interféré par des bruitages cosmiques que l’on croirait sortis du cerveau carbonisé de Wayne Coyne, autre trouble-fête des Flaming Lips. Même dissipées et désaccordées, les guitares électriques s’avèrent jouissives sur “Gold for Bread” et “Fire & Fast Bullets”. Et “Not Your Lover”, une ballade poignante et décharnée au piano, ferait un inédit de premier plan sur le coffret rétrospectif du Loner dans la section After The Goldrush. On assiste également à une étrange excroissance rock, sur “War on Machines”, comme si le Metal Guru Marc Bolan avait engagé Lynyrd Skynyrd comme side-band, avant qu’ils ne prennent un billet d’avion sans retour. L’alchimie fait de drôles d’étincelles en forme de paillettes glam. Furr ne serait-il pas une passerelle vers la quatrième dimension ? Saluons cette capacité à absorber les styles — pop, folk, psychédélique, americana — toujours avec un appétit d’ours.

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