Charles-Eric Charrier aka Oldman continue d’explorer notre humanité avec Ton’da, et prouve que la musique aussi peut poser les bonnes questions.


Qu’est-ce qui nous berce, nous et notre existence ? La musique dirons-nous. Pas celle qu’on entend de l’extérieur mais une musique intérieure, avec son rythme caché, secret, pourtant bien présent. Celle-là aucune note ne réussit à la figurer, à la traduire. Mais le corps (le coeur ?) l’entend. Charles-Eric Charrier aka Oldman fait partie de ceux qui ont décidé non seulement de l’entendre, mais aussi de l’écouter.

Encore faut-il ne pas se perdre dans cette quête. La musique nous traverse, et souvent malgré nous ; mais elle est d’une richesse extraordinaire quand on se laisse prendre par son rythme envoûtant. L’album Ton’da est l’un des chemins multiples qu’Oldman propose à celui ou celle qui veut bien l’écouter. Sa particularité, c’est qu’il fuit les catégorisations musicales classiques. Des sonorités africaines, orientales, jazz ou encore minimales comme référence stylistique sont là, plus comme des supports, des portes d’accès à un univers particulier, qui s’interpénètrent et s’évanouissent aussitôt emportées par une fluidité étrange. Mouvements saccadés, répétitions, silences ; le temps dans Ton’da est hétérogène, multiple et non pas succession linéaire. Les cinq « New Blind Proposition » qui ouvrent l’album sont comme des appels à l’oreille ; les rythmes hypnotiques s’inscrivent dans la durée. Des morceaux comme « Without Water » ou encore « Watching The Bone » travaillent le silence. L’oppression suit l’exaltation comme « Very Dry…Melodics » suit « The Fiesta For the Dead in Mexico ». C’est par cette dialectique et ce tourbillon qu’Oldman touche quelque chose de vraiment intime, de précieux et qui le lie à ce qu’on peut appeler comme une histoire longue de l’humanité. Il s’agit de toucher l’être, cet « autre » qui nous regarde, qui nous est inconnu. On est, avec Oldman, au seuil de l’audible et du dicible.

La musique des cultures dites — à tort — « primitives » est toujours plus qu’une simple musique qui nous accompagnerait comme nos baladeurs dans les transports en commun : c’est un passage, une fissure vers l’invisible. Elle est à la fois ce qu’on entend et au-delà de ce qu’on entend. Tels les peintres de la Renaissance voulant figurer l’invisible à partir du visible, Charles-Eric Charrier compose avec ce qu’il y a de plus matériel, c’est-à-dire ses instruments. Mais il y a toujours quelque chose qui déborde, qui va plus loin. Ton’da est un album qui dure une heure, six minutes et cinquante-huit secondes. Mais cet autre auquel il nous renvoie relève de l’éternel.

– La page MySpace de Oldman

– Le site de Dog Eared Records, sur lequel l’album est en téléchargement libre

– Lire la chronique de Two Heads Bis Bis (2008)