Juillet 1990, à l’académie Künste de Berlin : le pianiste Cecil Taylor, accompagné de William Parker à la contrebasse et du japonais Masashi Harada aux percussions, se livre à quelques pas de danse, pratique qu’il affectionne depuis longtemps, lui qui a travaillé entre autres avec Dianne McIntyre et Mikhail Baryshnikov. Décomposé en deux parties, Astral Fluid On The Earth et Soul Activities, le set d’un peu moins de 40 minutes repose sur des changements de dynamiques, des éclats dramatiques bientôt suspendus à l’inconnu et une gestion des espaces entre chaque intervention, de sorte à laisser le temps aux trois musiciens de se mouvoir autour de leur instrument de prédilection et de frotter leur désir avec quatre danseuses venues participer aux réjouissances. Obligatoirement, l’objet CD dépourvu de complément visuel ne retiendra rien de ce rituel et du dessin de ces gestes auxquels seule l’imagination saura donner vie. L’inaugural « Looking Into The Universe » souffre d’ailleurs de sa durée trop importante et de ce temps de latence où voix et corps cherchent à se libérer de leur vis-à-vis instrumental. Si l’on ne peut voir, reste donc à écouter les compositions angulaires et dansées de Taylor. Motifs fugaces et jeu à vif au piano, bourdonnement de la contrebasse qui rode telle une ombre divine (elle l’est proprement sur “Feeling”), parfois à peine audible, apparitions/disparitions de syncopes percussives : chorégraphie d’un laconisme sonore. Un art de la chute — conjuguée et conjurée. Par delà les ponts de silence, une succession de phrases clairsemées, des bribes de figures et de mouvements qui renoncent aux récits tracés d’avance pour leur préférer ceux, immanents et pliés à aucune contrainte, de corps à corps musicaux.

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