Un violon volatil, une voix sans attache, des chansons sans sapes et une frange hors du temps, il n’en fallait pas plus pour faire craquer le producteur au coeur de marbre, Steve Albini. Anni Rossi, jeune chicagoane sans ligne notable sur le CV indie, a peut-être choppé la clé. Après un maxi accrocheur — Afton –, la revoilà avec ses quelques pizzicati de violon alto et un chant toujours à la frontière de la scie, fourbissant des chansons rugueuses et courtes. Rockwell possède le charme des premiers dessins d’enfants quand ils commencent à ressembler sérieusement à la description que leur naïf auteur en donne. Traits approximatifs, lignes grossières, yeux assymétriques et soleil plus bas que les pâquerettes : oeuvre simpliste et touchante dont il se dégage un équilibre, certes précaire, mais étrangement rassurant. Lié, notamment, à des idées mélodiques osées, des cassures rythmiques à l’emporte-pièce et, surtout, au côté direct et sans nuance des titres. Cette abrasion est la résultante d’une économie de moyens (plus conséquents que sur le EP initial) dont on ne saurait deviner si elle est voulue ou subie, mais dont la chanteuse s’accommode sans problème. On cède facilement aux sirènes enrouées des compositions de la jeune fille. Ne se donnant aucune vraie limite dans l’interprétation, elle octroie à ses vignettes un mélange de couleur étonnamment incendiaire, comme par exemple lorsque sur “Venice” elle amène son violon sur un enchaînement que l’on croirait issu d’une pièce perdue de Bach (à 5 ans, lui aussi) et sur lequel elle souffle bruyamment comme un lama. Étrange sensation de je-m’en-foutisme assez frondeur, un peu comme si Joanna Newsome avait pris des cours chez Flight Of The Conchords. L’ensemble donne un album court et séduisant sur lequel on revient toujours avec plaisir, en espérant toutefois que la suite sera plus étoffée, de crainte de s’ennuyer rapidement dans cet univers un peu trop juvénile par moments.

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