L’hommage des MSP à leur fondateur leur fait commettre le pire disque d’une discographie en dents de scie, jusqu’alors toujours aidée par des fulgurances mélodiques. Ici, même les éclairs de génie ont pris l’eau.


Les survivants des Manic Street Preachers sont des hommes d’honneur. En effet, à peine leur ancien comparse disparu, Richard James Edwards — aka Richey James –, est-il officiellement reconnu mort qu’ils s’empressent de déterrer ses vieux textes et leur coller des musiques dessus. Non sans avoir pris soin, au passage, de faire en sorte que les revenus générés par l’album qui découle de cette réhabilitation, le présent Journal For Plague Lovers, soient équitablement répartis entre le groupe et les membres de la famille du fantôme. Sur le papier, ce nouvel album est donc un noble projet. Dans les faits, il faudra un peu plus d’indulgence pour lui trouver des qualités frappantes.

On sait depuis un certain temps les Gallois peu enclins à la sobriété musicale, relevant plus de Zapata de plomo (« Chaussure de plomb », surnom donné en son temps au champion automobile Juan Manuel Fangio, qui se caractérisait par une quête permanente et obsessionnelle de vitesse de pointe) que d’un Pierrot lunaire. On pointait depuis leur récent Send Away The Tigers (2007) un signe d’essoufflement. On constate aujourd’hui une vraie lassitude. Mais leur ennemi n’est pas tant le temps qui passe que l’âge. En effet, les combats politiques des débuts nécessitent une énergie, une naïveté et une foi qu’ils n’ont plus forcément.
Jusqu’à présent, l’effilochement des croyances et des guiboles ne se voyait pas trop. Sur ce disque, le contraste est frappant. Ces textes, autrefois écrits par un gamin qui dépassait à peine les 20 ans, et aujourd’hui chantés par ces briscards de plus de 40, n’ont plus l’impact prévu, soulignant au contraire violemment l’empâtement des musiciens. Rarement les musiques des MSP sont-elles parues aussi essoufflées, boursoufflées même. Ce qui passait pour du rock il y a encore quelques années se transforme aujourd’hui, au contact de mots jouvanceaux et idéalistes, en vieux accoutrements gossièrement cousus, patchworks criards sans nuance.
Certes, tout n’est pas à jeter dans Journal For Plague Lovers, les vieilles bêtes ne se laissent pas faire. Certains titres emportent tout sur leur passage, comme ce “Marlon J.D.” au riff meurtrier, ou “All is Vanity”, vieille scie dont les MSP ont le secret, subtil équilibre en lourdeur et puissance. Ici et là certains riffs, certaines rythmiques ou quelques refrains donnent-ils l’illusion de domination. Mais la plupart du temps, entre compositions inachevées et chant éteint — Jamed D. Bradfield ne semble pas croire un seul instant à ce qu’il raconte –, Journal For Plague Lovers, pensé comme un disque de renouveau, ressemble à s’y méprendre au pire cauchemar de tout chanteur professionnel, le fameux « disque de trop ».

Finalement, la seule chose que l’on entend tout au long de ces 13 morceaux est cette violente prise de conscience chez James Dean Bradfield and Co : ils ont passé l’âge de ces conneries. Autant alors revenir à l’écriture plus mûre comme elle trouait le ciel sur Lifeblood, un disque de leur âge.

– Le site officiel