Lieu de vérité s’il en est, la scène vient adouber ce trio londonien désormais prompt aux croisades free jazz les plus excitantes, après un premier album studio déjà prometteur, Obliquity (2007). D’emblée placé sous le signe du cri libérateur, Live at Cafe Oto donne à entendre, en seulement deux titres et un peu moins de quarante minutes d’abondance enregistrées le 11 juillet 2008, une furie sonore dévastatrice. Précisons qu’à bonne école, nos trois musiciens — Alan Wilkinson aux saxophones alto et baryton, John Edwards à la contrebasse, Steve Noble à la batterie — ne sont pas tombés de la dernière pluie free : aperçus aux côtés de Derek Bailey, Evan Parker ou Peter Brötzmann, ils ont eu bon loisir de s’aventurer là où l’improvisation scelle un pacte avec l’inconscience et déchaîne les corps. Violence expressive, sonorités tendues jusqu’à la discordance, imprévisibilité du propos, cette musique fiévreuse s’arc-boute sur une série de dynamiques, d’impulsions et de retombées (d’après la tempête) qui ont tout à voir avec la physiologie musculaire (contraction/détente, explosivité/retour au calme). C’est à une course folle que se livre le trio de musiciens déchaînés (comparés aussi bien à The Stooges qu’à John Coltrane dans le Sunday Times), répudiant dès lors la notion de leader, s’entraînant et se bousculant les uns les autres de sorte à ne point interrompre ce flux discontinu de sonorités tranchées et tranchantes (avec la batterie comme catalyseur tangible). Dans un tel contexte de jouissance libératoire, la voix occupe une place prépondérante : qu’elle infiltre le jeu vocalisé d’Alan Wilkinson (phrases déclamatoires, râles, hurlements, éructations sont monnaie courante), guide la scansion des interventions ou s’expose littéralement (« Recoil »), elle est de tous les instants. Corporéité de la voix, puissance du chant brut, expérience live assurément.

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– En écoute : « Recoil »