Un disque succinct et farouche, aussi revigorant qu’un bon vieux festival dans la boue. Avec de vrais morceaux de britpop dedans.


Dans la série revival britpop, il ne faut plus attendre grand chose des pères fondateurs aujourd’hui. Trop occupés à engloutir les dernières bénéfices de leurs catalogues ou à limer les pointes de leurs perfectos, rien de bien intéressant ne sort du cerveau de ceux qui furent les inventeurs d’une pop frondeuse et agressive, capable de faire la nique à la no wave à coups de mélodies sanglantes et de guitares insaisissables et frivoles. Derrière les beaux concerts que peuvent encore livrer des Jesus And Mary Chains ou un album en passant des dinosaures Charlatans, plus grand monde ne quitte les confortables fauteuils des maisons de repos de Manchester et d’ailleurs. Heureusement quelques boutonneux ont-ils suffisamment de gnaque et de c… pour aller chatouiller les guiboles des papys sur leur propre terrain de jeu. C’est précisément ce à quoi s’évertue le quatuor Hatcham Social.
De leur repère londonien, les frères Toby et Fin Kidd (respectivement guitare/chant et batterie), Dave Fineberg (basse/voix) et Jerome Watson (synthé/guitare) dépoussièrent quelques vinyles pour mieux les éventrer, et en étudier la constitution pour tenter un hybride de tous les héros de la divine époque. Au-delà de l’anachronique exercice de style, les jouvenceaux ne se contentent pas de suivre les recettes avec application. Après quelques compositions, ils ont d’abord pris le temps d’écumer de nombreuses scènes européennes pour prodiguer un petit bain de foule à leurs chansons afin de les faire suer un peu et les retravailler, expurgées de leur éventuelle surcharge pondérale. Et l’écoute de cet album inaugural nous confirme une fois de plus que cette méthode est de loin la meilleure. Sans tergiverser, You Dig The Tunnel, I’ll Hide The Soil est une tuerie totale pour tous les amoureux transis et bloqués de cette période dorée du rock d’outre-Manche.

Epaulés par des aînés souvent galonnés, Tim Burgess et Jim Spencer des Charlatans, les jeunes pousses réduisent les effets à leur maximum. Une voix magique en lead, quelques harmonies haut perchées, des guitares bravaches et scintillantes, un soupçon de shoegaze, une basse noueuse et une batterie épileptique. A la rigueur quelques nappes synthétiques, mais vraiment histoire de colorer un pont ici ou là. Le reste réside dans la qualité des compositions qui frisent souvent la haute voltige, interprétées face au vent et contre la marée. En une grosse demi-heure, la messe est dite.
Débutant sur des larmes de “Crocodile” plus vraies que nature à faire verdir de jalousie une autre et illustre fratrie du genre, les frangins Reid, You’ll Dig the Tunnel… ne lève quasiment jamais le pied. Une “Sidewalk” bien planquée derrière son mur de guitares, une “Murder in the Dark” qui n’est pas sans rappeler l’incunable Meat is Murder de feu les Smiths (dont le leader est probablement le seul qui nous ferait mentir quant à l’état actuel des vieilles gloires) et un “Hypnotise Terrible Eyes” percée d’éclats de verre suffiraient même à notre bonheur. Mais en bonnes mères pondeuses de singles, les têtes blondes de Hatcham Social enchaînent les riffs et élaborent un menu gargantuesque pour les nostalgiques du genre. “So So Happy Making” rend nos mondays encore plus happy et ouvre la voie à une deuxième moitié d’album encore plus retorse.
Plus en nuances, toutefois, que la première partie. D’abord avec “Superman”, bien campée sur son orgue hypnotisant, ou l’étonnante “Jabberwocky” et son talk-over millésimé, sans oublier “Penelope”, petite ritournelle montée sur ressorts. Mais cette deuxième partie n’est pas exempte de roustes, recélant carrément le plan gratte le plus sauvage du disque sur “I Cannot Cure My Pure Evil”, furieux coup de tatane en plein menton (vous savez, comme celui de King Eric sur ce supporter des Red Devils un peu plus grossier que les autres).

Ce qui offrira une vraie cure de jouvence à certains n’en réservera pas moins une sacrée claque aux plus jeunes pour qui mélodies et guitares qui saignent ne sont toujours pas totalement antinomiques. Preuve que même en 2009 on peut encore mettre le feu sans bleeps et autres trucages à peine laptopisés et déjà avariés.

– Leur MySpace

– En écoute, “Sidewalk” :