Les petits Mozart de l’electro-pop signent un quatrième album allègre et incisif, une véritable bombe à confettis qui les conforte dans leur position de chouchous over the world. Strictement incontournable.


Il est toujours temps de faire son mea culpa. On s’était toujours méfié de Phoenix. Trop évident, trop vite, trop gros, trop versaillais, trop fort, trop hype, trop french touch (???), trop bon… Trop beau pour être vrai, quoi. Et puis, le hasard d’une programmation radiophonique instilla le virus. Ce fut à l’époque d’Alphabetical, ce deuxième album finalement trop parfait. Trop tard. Pas de vaccin contre Phoenix, à peine une primo réaction qui n’a pas pesé bien lourd face au tourbillonnant It’s Never Been Like That. Et depuis, c’est une véritable idylle que l’on traverse avec le quatuor versaillais. Idylle qui prend définitivement son vol sans retour avec ce jubilatoire quatrième opus.

Il y en eut des recherches pour atteindre ce niveau de concision. Il y en eut des scènes usées de ses semelles élimées pour obtenir ce sens de la dynamique/te. Et il y en eut des cordes de guitares sciées à coup de riffs UV A/B/C. Wolfgang Amadeus Phoenix, avec ce titre à l’ironie sympathique, est un formidable condensé de tout le travail de Phoenix jusqu’ici, en même temps que celui de ce qui se fait (se rêve ?) de mieux en terme d’electro-pop solaire dansante. Mélodies vibrillonnantes, galaxies harmoniques, basse élastique et batterie funky (assumée par Thomas Hedlund, le cinquième membre du groupe, assurément), claviers voilés et légers. Un miracle de souplesse et de finesse. Un album impérial et délicieux, léger comme un dessert aux fruits de l’été concocté par les plus grandes toques de la gastronomie popeuse internationale.
Et ces quatre-là ont un culot énorme à placer ainsi deux tubes dantesques en ouverture de leur album, entre un “Lisztomania” sudorifique et le mille-feuille proprement explosif “1901”. Il faut en effet une bonne dose de confiance en soi et de sacrées capacités pour aligner derrière des titres pareils tout un album et maintenir l’attention de l’auditeur. Malins, les petits gars balancent un “Fences” élégiaque et intouchable, juste avant “Love Like A Sunset” aux deux parties improbables, variant entre dream-pop éthérée et psychelectro lysergique. Avant de l’achever avec cinq petites grenad(in)es toxiques et indélébiles. De “Lasso” à “Armistice”, on ne peut que rendre les armes et se laisser emprisonner dans ce festival de refrains, ce geyser ce six-cordes et cette ribambelle de mélodies à l’agilité du chimpanzé.

Bien entendu, le travail du fidèle Philippe Zdar et l’aisance de D’Arcy, Branco, Thomas Mars et Christian Mazzalai dans un studio ne sont pas innocents dans cette réussite. Depuis deux disques, on goûte pleinement ce son sec et sans gras, entièrement construit autour de cette rythmique définitivement inépuisable. Les guitares semblent ne jamais toucher terre, les claviers apparaissent et disparaissent tels d’invisibles fils. Rien n’est écrasé pour faire place à un quelconque effet, chaque élément y a sa place, en un tableau qui paraîtrait désert vu de loin mais qui, en s’approchant, révèle un foule de détails aussi indispensables que séduisants — tel cet ersatz de clavecin sur “Armistice”, joli pied de nez au rappel incessant de leurs origines versaillaises, et pour faire honneur au titre de l’album. Le tout créant un lit de pétales pour la voix diaphane de Thomas Mars, aujourd’hui parfaitement assumée et idéalement malaxée.

Sans atteindre le niveau d’excellence de son prédécesseur, Wolfgang Amadeus Phoenix revêt les oripeaux dorés qui font d’un petit disque pop bigrement bien roulé une référence pour l’avenir, un disque pivot d’un groupe désormais phare. Un proche musicien, qui eut l’honneur de ces pages et qui tourne régulièrement à l’étranger, nous avoua un jour ceci : en Angleterre et aux USA, en ces pays réfractaires à la concurrence, contrairement à ce qui est crié par dessus tous nos clochers, il n’y a que trois groupes français vivants réellement célèbres. Ces groupes sont issus de la même scène et de la même époque : Daft Punk, Air et en petits Poucet, les quatre de Phoenix. Aujourd’hui on comprend enfin pourquoi pour ces derniers…

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