Oui, on sait, encore une chanteuse suédoise. Juré craché, c’est la dernière de l’année. Mais on va finir en beauté, car Nina Kinert est un phénomène.


La Suède. Vivier inépuisable de talents, et plus particulièrement féminins. Mettre seulement en lumière Nina Kinert serait un manque de tact de notre part en regard de ses estimables compatriotes que sont la marraine Stina Nordenstam et ces petites soeurs Frida Hyvönen, Ane Brun, Promises and the Monster… Cette scène bouillonnante devrait encore faire parler ces prochains mois avec les talentueuses Rebekka Karijord et Jennie Abrahamson. Mais, aujourd’hui, c’est au tour de Nina Kinert. Entre cette fluette brune de 26 ans et nous, ce fut jusqu’alors une histoire de rendez-vous manqués. Des ces deux albums précédents à la tendance folk dénudée, Heartbreaktown (2004) et Let There Be Love (2005), pourtant paraît-il distribués en France, rien n’était parvenu jusqu’à nos esgourdes. Pas vraiment inconnue pourtant, cette auteure/compositrice/interprète aurait même quelques tubes à son actif en Scandinavie. Repérée en France l’année dernière sur la tournée d’Ane Brun, nous l’avions, évidemment, ratée. Et c’est tant mieux quelque part. Le charme n’aurait peut-être pas opéré si découvert avec ses premiers opus, disques honnêtes mais pas assez à notre sens pour la détacher de ce débordement de jolie folkeuse à la « guitare sèche en bandoulière ».

Jusqu’à ce troisième volume, Pet & Friends. Album de la rupture folk, sous une nouvelle enveloppe elle se présente à nous. Affranchie de son minimalisme pop/folk, Nina Kinert est maintenant prête à partager ses chansons avec un producteur, un mentor capable de la pousser vers des territoires non balisés. Elle trouve une pointure avec le producteur suédois Johan Lindström (Elvis Costello, Anna Thernheim…), pour se réinventer. Range sa six-cordes et investit — entre autres — dans un immense piano carollien aux touches interminables. Une reverb mystique enveloppe ses respirations mélodiques, nous guide vers un étrange dédale. Toujours un peu solitaire dans l’âme, elle s’aventure dans des atmosphères en clair-obscur, cernée d’ambiances brumeuses, parfois aériennes, mais qui souffleraient un blizzard cosmique (le sibyllin “Libras”).

Un peu transformiste, Nina Kinert traverse chaque chanson comme des tableaux : à chaque nouvelle piste, elle met en scène un décor différent. En assaillante pop, Nina Kinert monte au front avec le percussif “Combat Lover”, son chant donne alors l’impression de se mouvoir par reptation, non sans rappeler la chère (Natasha) Khan de Bat For Lashes (attention jeu de mot, il faut suivre). Mais le meilleur reste à venir. Notamment “Love Affair” avec les choeurs en renfort de la fée Titania Ane Brun en guise d’ascenseur sensoriel — l’ex blonde des Cardigans Nina Persson figure aussi dans les rangs de ce super choral. On la retrouve ensuite harponnée à son piano sur “Golden Rings”, élaguant un spleen tourbillonnant. Puis “Get Off”, cabaret pop où son coeur balance, ivre de mélancolie. Mélodiste acrobatique sur A-Worn Out, une ballade réverbérée à tomber, où elle chante en duo avec Love Olzon, encore un inconnu mais dont le prénom nous inspire confiance. Puis des choeurs féminins s’évaporent lentement… De sa voix fluette, Nina Kinert laisse ensuite pousser une mauvaise graine sur l’oppressant “The Art is Hard”.

Avec Pet & Friends, Nina Kinert a projeté son petit monde folk dans un kaléidoscope pop réussi, à l’image de sa pochette. De cette oeuvre exigeante, s’il n’y avait qu’un défaut à souligner, se serait deux ou trois appâts pop évidents — réussis au demeurant — qui atténuent malgré eux d’autres explorations demandant davantage d’écoutes. Mais de toute manière, nul doute que vous allez y replonger. Et, déjà, ce que Nina Kinert vient d’accomplir apparaît comme une première pierre importante dans une discographie qui s’annonce — on l’espère de tout coeur — fascinante. Le dernier titre de l’album nous laisse un indice « The Story Goes »…

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– En écoute, « Beast » :