Luke Haines, ce génie incompris. Trop doué, trop lettré, trop instable et sabordeur de première (il a volontairement cassé son magnifique joujou The Auteurs sur l’ultime How I Learned to love The Bootboys)… Le « génie » qui s’est autoproclamé de la sorte sur son best of The Genius of Luke Haines — et inversement s’est aussi déclaré « mort » sur une de ses compositions — se plait à scandaliser le puritain avec son verbe transgressif. Après des années 90 où le cerveau de The Auteurs a récolté tous les honneurs, les années 2000, plus éparpillées, lui ont valu une carrière en dents de scie : quelques réussites d’abord avec l’electro pop sophistiquée de Black Box Recorder, et puis deux albums pour son propre compte (incluant une BO), échecs commerciaux patents. Fatigué par son image d’intellectuel, il déroute une partie de son public avec l’usage des synthétiseurs tellement à la limite du grotesque qu’ils en deviennent malsains. Pourtant, ce parti pris rentrait en adéquation avec son talent de conteur social grinçant et exceptionnel, érudit en matière d’histoire et de culture souterraine. Certainement en demandait-il trop aux amateurs de brit pop. Mais en cette fin de décennie, 21 st Century Man, son troisième opus solo le replace en phase avec son temps. Le champion du name dropping (Peter Hammill, Klaus Kinski, David Bowie, John Lydon pour les plus évidents cités) nous refait la court avec de belles mélodies synthétiques tordues, des guitares T Rexiennes en diable (“Wot a Rotter”, “Peter Hammill”…) et le grand retour des archets aristos sur “21 st Century Man” et “English Southern Man”, somptueuses ballades enlevées. 21 st Century Man est aussi ambitieux que son titre le laisse entendre, une écoute attentive est une fois de plus nécessaire pour saisir toutes les riches nuances et autres subtilités subversives de l’art de Sir Haines. Sur « Klaus Kinski », l’une de ses plus belles excentricités pop sur l’album, il invoque la colère éternelle du comédien germanique, revenu de la mort pour punir la bêtise humaine. Programme attrayant.

NB : 21st Century Man est également disponible en édition « limitée » avec un second album intitulé Achtung Mutha, contenant plus de 20 minutes de musique.

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