Tel un Jeremiah Johnson des temps modernes, le grand froid est son élément. Leif Vollebekk, Canadien à la voix d’or, nous reçoit sur ses grands espaces immaculés. Contemplation et grâce sont au rendez-vous.


Il est des disques dont l’âme est intimement liée aux conditions climatiques. Inland, première pierre posée par Leif Vollebekk, est de ceux-là. Ce bel et élancé garçon montréalais a étudié la philosophie et les langues vivantes à Reykjavik. Il en a aussi profité pour enregistrer en 2008 son album entre Montréal et la capitale islandaise, dans ces deux villes du Grand Nord où les hivers sont rudes et néanmoins absorbants. Il ne pouvait donc en être autrement : Inland exhale la poésie des flocons et des paysages blancs. Cette folk en question, ténue et couvée, préfère les silences des plaines enneigées à ceux des déserts caniculaires.

Inland est une oeuvre contemplative, conçue par un rêveur touche-à-tout. A la manière d’un artisan, Leif Vollebekk décoche de sa guitare des notes qui crépitent comme le bois au contact du feu. Il pince ses cordes en acier comme on frotte sur un vieux poêle qu’on connaîtrait mieux que personne, avec méthode et expérience. Le vibrato exceptionnel de sa voix juvénile et légèrement enrouée — peut-être un coup de froid dont il n’aurait jamais vraiment récupéré — lui confère une chaleur presque soul. Ce premier album empli de grâce est de la trempe de ceux, contemporains, de Patrick Watson, son ami, Elvis Perkins, John Shannon et bien entendu de l’ermite magnifique Bon Iver. Mais, contrairement à ces grands écorchés que sont Elvis Perkins et Bon Iver, Leif Vollebekk entend bien partager quelques purs moments d’allégresse, comme lorsqu’il s’emballe sur le tempo enlevé de « Northernmost Eva Maria », qui finit — ou plutôt atterrit — en apothéose sur une nuée de violons. Si l’on remonte plus loin en arrière dans le jeu des références, l’émotion béate d’un Tim Buckley et ses Matins Glorieux est évidente sur le somptueux “In The Morning”.

Comme tous les doux rêveurs, Leif Vollebekk effleure délicatement la nostalgie, et ses chansons ont un pouvoir de suggestion prompt à nous faire remonter le temps — “1921” et ses cordes scintillantes comme des aurores boréales. Mais si ces folksongs ont le pouvoir de raviver les souvenirs, elles n’en sont pas pour autant passéistes. On y perçoit de discrètes séquences électroniques derrière ses arpèges qui entretiennent un lien avec la lumière du jour. Bien qu’un peu ascète, Leif Vollebekk évolue dans les grands espaces, seul avec sa guitare et son harmonica, son violon échantillonné, parfois un banjo, ou s’accompagnant d’un piano tout en retenue (“In the Midst of Blue and Green”). Le voyageur se permet quelques mots en français sur le dernier couplet de “You Couldn’t Lie to Me in Paris”, balade brillante de concision, où tout est dit en 1 minute et 45 secondes.

Sorti depuis janvier au Canada, Inland est un secret bien gardé dans son pays. Plus pour longtemps encore : le talentueux folker tourne cet automne aux Etats-Unis et son album sort cette semaine en Europe (via Nevado Records). Son deuxième album est, parait-il, presque terminé, produit par son compatriote Howard Bilerman (Arcade Fire) au mythique studio Hotel2Tango. Sans en avoir écouté une seule note, on sait déjà que ces nouvelles chansons devraient le grandir encore. Et nous donner, déjà, une très bonne raison d’attendre 2011.

– Page Myspace

LEIF VOLLEBEKK (Part 2) – 1921 from Mitch Fillion (southernsouls.ca) on Vimeo.