Que se serait-il passé si les Beatles n’avaient pas enregistré Revolver sous la garde de leur producteur fétiche et figure protectrice George Martin ? Sans doute davantage de drogues auraient circulé dans les studios Abbey Road, ceci engendrant une conséquente secousse cosmique de la portée d’un “Tomorrow Never Knows” étalée sur deux faces 33 tours. Manifestement, le trio australien Tame Impala aspire à cet idéal pop sous LSD. La production, tout d’abord, est stupéfiante avec un son stéréo millésimé 1966 mais catapulté par une rythmique baggy (bonjour Mandchester) greffée à vif sur console analogique. Dès le premier couplet de “It’s Not Meant to Be”, l’effet hallucinogène est puissant : le cerveau de l’affaire, Kevin Parker, pousse le vice vintage jusqu’à chanter simultanément comme Lennon et Macca, même s’il ne possède pas leur instinct mélodique. Peu importe, car l’essentiel de Innerspeaker tient plutôt dans l’expérience de la transe sensorielle. Tame Impala réécrit l’histoire de la pop à la manière canaille d’un Tarantino, détourne les sixties dans une dimension cosmique bigarrée, captivante et vivifiante. Placé sur orbite, l’énorme single hippie “Why Won’t Make Up Your Mind” happe avec ses entrelacs de guitares stratosphériques, pris dans un tempo binaire lancinant. Autre prouesse, “Lucidity” répand sur ses parties de clavier trippant des coulis de lave de guitare saturée. L’instrumental “Jeremy’s Storm” réinterprète le dernier acte de Star Wars, la bataille spatiale sur l’étoile noire sous une pluie d’astéroïdes free jazz. Le reste n’a pas la pureté de ces poussières d’étoiles, mais il est certain que Innerspeaker vous scotchera aux enceintes.

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