Le Phil Spector de l’indie rock, Adam Pierce nous embarque dans une expédition en Tanzanie. Un voyage afro-disiaque, sans renier ses premières amours électriques.


Entre le Yin (le chaud post-rock de HIM) et le Yang (l’electro-shoegazing nordique de Mùm), les innombrables collaborations du New Yorkais Adam Pierce relèvent de la philosophie chinoise. L’ex Swirlies a démontré une impressionnante capacité d’adaptation de styles (electronica, shoegazing, postrock, afro, flamenco, l’Asie…). Depuis les débuts en 1998 de son projet solo anagramme (Mice Parade, désormais plutôt un collectif), Adam Pierce a rarement bégayé et What it Means To Be Left Handed ne fait pas exception à son insatiable désir de s’ouvrir à d’autres cultures.

A tel point que la souris est quasi-méconnaissable sur l’inaugural “Kupanda”. Où est passée Mice Parade ? À des milliers de kilomètres de la Grande Pomme : percussions fiévreuses et guitare kora ouvrent les festivités, tandis que la féline noire Somi chante dans son dialecte souahéli, colonisant définitivement le territoire anglophone. La douche afro surprend tellement que, dans le doute, on vérifie le nom du groupe sur la jaquette. Entendons-nous bien, l’excursion vers le continent noir n’est pas inédite chez Mice Parade — déjà expérimentée du temps de Mokoondi (2001) et sur le précédent Bem-Vinda Vontade (2008) — mais jamais traitée de manière si radicale.

La suite de l’album rééquilibre les frontières. Le métissage afro-pop/electro/post-rock se fond dans le syncrétique mur du son de Pierce — “In Between Times” , “Couches & Carpet” (post-rock cannibalisé par des percussions) et “Recover”, ce dernier s’autorisant même un grand pont de Gibraltar mélancolique avec des guitares flamenco.
Lors de ce premier acte, What it Means To Be Left Handed est irrigué par une somme d’influences que peu de disques rock peuvent aujourd’hui prétendre égaler. Or, après avoir traversé la Tanzanie, le Kenya, le Mozambique et l’Ouganda, le disque emprunte, à partir de la septième plage, une orientation résolument plus « classique » (enfin, tout est relatif, lorsque l’on évoque Mice Parade). Adam Pierce opère alors un surprenant retour aux sources de ses premières amours binaires, vers des popsongs plus épurées. Ce revirement électrique se symbolise notamment par “Mallo Cup”, une reprise des Lemonheads, toutes guitares brouillonnes en avant, ou encore la pop très Cure de « Even ».

Si Pierce en avait décidé autrement, il est évident que What it Means To Be Left Handed aurait très bien pu donner matière à deux mini-albums bien distincts. Mais on sait qu’il a toujours, en quelque sorte, préféré la collision musicale à la cohésion. Une curiosité hybride s’immisce tout de même au milieu de ce second acte, “Tokyo Late Night”, où sont conviés, cette fois — devinez ? — des membres des groupes nippons Clammbon et Toe. Enfin, une seconde reprise clôt le disque : la poignante “Mary Anne” du folksinger Tom Brosseau, dans une troublante formule séminale guitare/basse/batterie. Comme si, avec ce dernier hommage décharné, Adam Pierce se lavait de toutes ses tentations précédentes. Indécise beauté !

– Page Myspace

Fatcat Records

– En écoute : « Mary Anne »