Confortablement installée dans ses rêves, la trop paisible Julia en oublie le sel et le poivre … et nous sert un joli disque barbant.


En 2010, certains d’entre nous furent pris dans les filets de Down The Way. Angus & Julia Stone, frère et sœur australiens, étaient les artisans d’un album accroche-cœur, comme largué, hors du temps. Des plans folk et soft rock connus depuis des décennies, et qui pourtant semblaient retrouver là une certaine virginité. Il régnait sur ces plages un souffle sauvage, naturel, sans colorant ni conservateur. Des clichés peut-être, mais produits avec foi et sincérité, sous le charme suranné d’un romantisme patiné. L’âge des protagonistes – un peu plus de quarante ans à eux deux – entrait en contradiction avec une écriture à la maturité troublante. La vision d’Angus, tout en poil sur la tête et au menton, confirmait l’étrangeté : un remake hippie d’Hibernatus !

Livrée à elle-même sans son double barbu, Julia-la-douce emprunte sans surprise les mêmes chemins buissonniers. Ceux d’un classicisme précieux et appliqué, imperméable aux modes et vaguelettes qu’on voit danser le long des golfes clairs.
Pourtant, en observant la pochette, on est pris d’un frisson d’excitation : dessinée de sa propre main (et disons qu’elle se représente), Julia gît, le visage pris d’une expression de terreur, les yeux grands ouverts, la bouche itou. Des traces de sang sur la pommette, comme un coup de griffes fatal. Une cover de roman de gare, pulp fiction où l’innocente héroïne va finir allongée nue sur le parquet, belle mais … morte.
Julia va donc nous conter ses rêves et cauchemars, on va frissonner, suer le chaud et le froid … Fausse piste, c’est du tiède qui sort du robinet ! Pas débridée pour un sou, la sœur Stone. Et là où le duo finissait par emporter le morceau, les premières écoutes de l’opus solo de la miss nous laissent dubitatif. Pour s’endormir dans les bras de Julia, faudrait-il encore que l’on soit d’entrée éveillé.
Soyons juste : pour qui veut être cajolé sans être brusqué, oui, The Memory Machine est le disque parfait. Les morceaux le composant sont loin d’être mauvais et sans surcharge pondérale.

“This Love” avance d’un pas badin, agréable chanson exécutée d’un trait, clair et droit. Suit “My Baby”, sage comme une image, un peu jaunie. Trop appliquée, Julia Stone vise le classique, sans que sa berceuse n’émeuve vraiment. Tout aussi attendu, « Winter On The Weekend » s’arrête avant de prendre son envol. Pendant « The Memory Machine », on va se décapsuler une bière que l’on vide en baillant. Plus sautillant de la basse, « Catastrophe ! » continue à nous caresser dans le sens du poil. C’est gentil, c’est joli, délicatement ourlé de cuivres et de cordes que l’on aimerait un peu plus tranchants.
Plus ténébreux, « Maybe » révèle un soupçon de tension souterraine qui se marie bien au teint pâle de l’australienne. Mais là encore, elle s’arrête avant de totalement s’enfoncer dans les bois. Sur le morceau suivant on s’ouvre une deuxième bière. « What’s Wrong With Me ? » nous demande Julia. Merci d’avoir posé la question, mais on y a déjà répondu. Trop de mignardises, une voix parfois maniérée, pas d’ambiguïté, zéro risque. Neuvième titre. Ah, c’est l’heure de la troisième bière !
A la fin, le rayon lumineux traversant « Where Does The Love Go ? » n’y changera rien, bien au contraire. Là où la simplicité rejoint un conformisme bien paresseux. Verdict : sans Angus, Julia joue à la poupée et, malheureusement, ce n’est pas Chucky …

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