«Â Quand on aime, on ne compte pas » dit le dicton, nous donnant ainsi l’occasion de présenter non pas une mais trois des parutions officielles de The Tallest Man On Earth. L’une des plus belles découvertes de ces dernières années en matière de folk dylanienne.


La découverte est de taille et se doit d’être partagée avec le plus grand nombre car, alors que l’on croule à longueur d’années sous le poids toujours plus conséquent de sorties d’albums soporifiques, peu inspirés et sans caractère, voilà que débarque brusquement un suédois du nom de Kristian Matsson. Armé seulement d’un banjo, d’un piano ou d’une guitare, ainsi que d’une poignée de chansons magnifiquement interprétées avec conviction et classe, ce jeune homme plein d’avenir nous venge soudainement de la tiédeur ambiante.

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Caché derrière le judicieux alias de The Tallest Man On Earth, ce songwriter délivre depuis 2006 une musique porteuse d’une admirable qualité: évoquer le Dylan des premières heures sans jamais le citer directement. Comprendre par là, avoir parfaitement assimilé ses préceptes d’alors tout en faisant preuve de suffisamment de caractère dans son écriture pour que ce lourd héritage ne soit pas étouffant, qu’il ne devienne pas un handicap artistique.
Pourtant, à la découverte de son œuvre, notre première réaction fut la suspicion: trop habitués que nous sommes à découvrir régulièrement des Zim’ de poche qui, au mieux, s’apparentent à de bons imitateurs, on ne remarque au départ que ce choix acoustique qui soutient un chant nasillard très typé et si évocateur et l’on a tôt fait de l’associer un peu facilement à toute cette cohorte de clones. Une injustice vite réparée pour peu que l’on se penche avec plus d’attention sur cette écriture absolument sublime aboutissant à la création de chansons d’une puissance mélodique hors-norme, à la fois très fine et extrêmement abordable.

the_tallest_man_on_earth-wild_hunt.jpg Ce constat se trouve accrédité, voire même renforcé, via la sortie par chez nous des trois-quarts de l’œuvre de l’intéressé par l’intermédiaire du label américain Dead Oceans (sous branche de Secretly Canadian) basé à Bloomington, Indiana. Ses deux albums, ainsi que son dernier EP, nous arrivent cette année sans que leur chronologie ne soit respectée et, contre toute attente, cela ne semble pas être une mauvaise chose. Matsson fait, en effet, preuve d’une telle cohérence sur le plan artistique que l’on peut librement se concentrer sur la qualité intrinsèque de chaque album. Et se rendre compte que son second effort The Wild Hunt (2010) est au moins aussi magistral que son premier Shallow Grave (2008) et que son EP Sometimes The Blues Is Just A Passing Bird (2010) tient la dragée haute au long format. Ainsi, on pourrait presque se débarrasser de toutes formes de support, la remarquable constance dans l’excellence des chansons au sein d’un univers musical très personnel les rendant quelque peu caduque.

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Certains y verront peut-être un défaut tandis que nous n’y trouvons que supériorité dans l’art de la composition. La marge de progression sur le plan qualitatif d’une œuvre à l’autre est donc subtile ou quasi-nulle mais qu’importe après tout, lorsque l’on a d’ores-et-déjà atteint dès son premier album le niveau de maîtrise que d’autres fantasment toute une carrière durant. Une maîtrise reposant sur deux atouts majeurs qui, dissociés, ne font office que de cache-misère, mais permettent, juxtaposés, de s’élever tout en écrasant la concurrence: la composition et l’interprétation.

Car le tout n’est pas de savoir écrire une merveille, encore faut-il savoir la sublimer par un traitement adéquat. L’inverse est également vrai. Et dans la folk catégorie minimaliste au sein de laquelle évolue ce géant des fjords, une carence dans l’un de ces domaines ne pardonne pas, et l’on tombe instantanément dans le banal, le téléphoné. C’est donc cela qui enthousiasme et fait sortir largement Mattson du lot: cette propension à n’offrir que de merveilleuses chansons divinement jouées, avec souffle; cette aptitude à envoyer, de par son investissement émotionnel et son jeu concerné au firmament, des morceaux qui sont pourtant déjà, en eux-mêmes, des sommets artistiques.

On vous sommera donc de vous jeter sans plus attendre sur ces trois sorties, sans vous en conseiller une plutôt qu’une autre, la déception ne pouvant être décemment au rendez-vous pour qui a des oreilles qui écoutent et un cœur qui bat. Laissez-vous tenter: l’essayer, c’est l’adopter.

The Tallest Man on Earth – « Love Is All »

The Tallest Man On Earth, « King Of Spain » [Later Live… with Jools Holland] :

The Tallest Man On Earth – I Won’t Be Found (Live on KEXP)

Et la cerise sur le gâteau, un concert d’une 1H30 à télécharger sur NPR Music !


Tallest Man On Earth Discographie :

The Tallest Man on Earth (EP) (2006)

Shallow Grave (2008)

The King of Spain (Single) (2010)

The Wild Hunt (2010)

Sometimes the Blues Is Just a Passing Bird (EP) (2010)