Entre tradition folk et tension électrique, le premier album hanté d’un collectif issu de la scène post-rock de Louisville, Kentucky.


« Supergroupe ». Le mot en lui-même nous donnerait presque des frissons. Impossible, à sa simple évocation, de ne pas songer aux pires excès du rock progressif des années soixante-dix. À ces atroces rassemblements de virtuoses chevelus dont les créations boursoufflées font, aujourd’hui encore, froid dans le dos. C’est pourtant bien à une réunion musicale au sommet que nous convie aujourd’hui King’s Daughters & Sons, passionnante mise en commun des forces créatrices issues de quelques figures emblématiques de la scène rock de Louisville, Kentucky. Des membres éminents de formations locales aussi essentielles que The For Carnation, Shipping News ou encore Rachel’s croisent ainsi le fer sur un recueil émotionnellement chargé, dessinant à l’encre noire les paysages désolés d’un univers très personnel, alliage de post-rock poignant et de folk ténébreux.

Depuis « Sleeping Colony », lente procession mélancolique peu à peu bousculée par une électricité tempétueuse jusqu’au final frissonnant d' »Open Sky », l’humeur ne sera pas ici, on s’en doute, à la franche rigolade. Mais le quintet dégage une telle impression de ferveur et de maîtrise instrumentale (particulièrement saisissantes sur « A Storm Kept Them Away ») qu’il parvient à déplacer des montagnes, ne laissant jamais ses morceaux tomber dans le piège facile de l’auto-apitoiement. « Dead Letter Office » ou « Volunteer », sombres récits transpercés d’éclats de voix déchirants, appuient un peu plus le talent équilibriste de cette nouvelle formation, constamment au bord du précipice mais évitant miraculeusement la chute. Voisine des humeurs maussades de Low, « Arc of the Absentees » est pour sa part illuminée par le timbre doux-amer de la troublante Rachel Grimes alors que « The Anniversary » est une splendeur mélodique qui pourrait apparaître comme une version assombrie de l’Altra ou des fabuleux Delgados (fondateurs du label écossais Chemikal Underground, qui se charge justement de publier ce disque).

Long d’une cinquantaine de minutes (en huit titres seulement) sans qu’aucun moment d’essoufflement ne vienne abaisser le niveau vertigineux de l’ensemble, cet album est le résultat d’une véritable communauté d’esprits entre des musiciens aux parcours exigeants et aux ambitions convergentes. À des milliers de kilomètres de certains projets parallèles anecdotiques et bâclés, If Then Not When est bien entendu un disque qui se mérite. Alors que son indéniable grandeur ne cesse de s’accroître au gré des écoutes, il ne nous reste plus qu’à prier pour que ses auteurs aient la bonne idée de donner une suite à leur formidable échappée collective.

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– « The Anniversary » :