Les frères Brewis nous dispensent encore une fois une bluffante leçon de brit pop tarabiscotée. Savante mais jamais »Plumbante ».


La célèbre fratrie de Sunderland, Field Music, ne semble vouloir s’épanouir que dans la difficulté. Déjà avec le démesuré double album Measure paru en 2010 – dont on a pas encore fini de visiter les contours de la fascinante architecture – Field Music étalait sa science mélodique au grand jour, en prodigieux rejetons de la pop excitante d’XTC et des progressions Utopiennes tordues de Tod Rundgren. Leur dernier grand chantier, Plumb, resserre quant à lui le propos en seulement (enfin tout est relatif!) quinze compositions pour une durée de 35 minutes.

Toujours est-il qu’en dépit de sa demi-heure, ce nouveau tour de force réunit plus d’idées et d’audace que toutes les productions brit pop sorties depuis la rentrée. Définitivement plus concentré, Plumb marque un retour aux compositions alambiquées dans la veine des deux premiers albums, savant alliage d’orchestrations pop et de déconstructions post-punk. Si le précédent opus nécessitait un effort d’attention par sa durée générale, chaque morceau gagnait, en revanche, en accessibilité. Ce serait plutôt l’inverse avec Plumb, dont chaque piste demande à être apprivoisée : la distance à rallier est courte mais il faut accepter au préalable de se perdre dans un parcours labyrinthique. Plusieurs écoutes sont donc recommandées, mais avec Field Music tout effort est assurément récompensé.

Les vertigineuses montagnes russes que nous sommes invités à prendre dès le luxuriant « Start the Day Right », et ses mirobolantes cordes, font déjà perdre tout sens de l’orientation et indiquent le haut-niveau de maîtrise en matière de tricotage mélodique. Les frères multi-instrumentistes et harmonistes Peter et David Brewis déploient des trésors d’inventivité chaque mesure, innervée de guitares angulaires et de rythmiques imprévisibles (ce « Guillotine » tout indiqué, noble et tranchant) ou encore d’envolées au piano à la Left Banke (« Sorry Again, Mate », « From Hide And Seek To Heartache ») tout en continuant d’expérimenter pertinemment sur les avancées de Measure (le très beau et mystérieux « So LongThen » puise dans les courants de la musique minimaliste).

Certes, l’impressionnant « Choosing Sides » et ses retournements multiples se rapprochent de la complexité des structures du rock progressif, mais la prouesse tient seulement en trois minutes et des poussières. La majorité des titres, d’ailleurs, oscillent autour de trois minutes, preuve s’il en est que Field Music tient à conserver une fraicheur essentielle. En regard de leur grande maîtrise technique, Field Music pourrait facilement tomber dans les travers cliniques d’un Steely Dan et autres démonstrations solo hermétiques, mais leur obsession pour la pop demeure plus forte. Peu importe l’ambition de ces gentlemen de la mélodie, l’émotion prédomine avant tout.

En écoute, Field Music – « A New Town » :