Une passionnante compilation du label Luaka Bop sanctifie l’une des plus grande voix de la musique brésilienne 70’s, le soul man existentialiste Tim Maia.


Rendons grâce au label de David Byrne, Luaka bop, d’avoir élargie nos horizons musicaux par-delà les frontières grâce à ses trésors réédités depuis la fin des années 80 – du continent afro en passant par la musique brésilienne, notamment le mouvement tropicaliste sixties, les immenses Os Mutantes, Gilberto Gil, Caetano Veloso, Tom Zé… Ce quatrième volume de la collection World Psychedelic Classics s’attaque cette fois à un monument, Tim Maia, « LE » parrain de la soul brésilienne.

Originaire de Rio de Janeiro, avant-dernier d’une famille de 19 frères et sÅ“urs, Tim Maia était un excentrique qui brûlait la vie par les deux bouts (il est décédé en 1998 à l’âge de 55 ans) : au début des années 60, ce multi-instrumentiste particulièrement doué à la guitare et la batterie, émigre quatre ans aux Etats-Unis où il attrape le virus de la soul musique, en plein âge d’or. Rapatrié dans son pays après avoir purgé six mois en prison pour détention de marijuana, il se consacre entièrement à la musique, déménage à San Paulo, où il élabore son cocktail inédit de pop façon Motown alliée aux rythmes brésiliens. Avec son premier album solo paru en 1970, il est légitimement consacré pionnier de la soul brésilienne.

Au sommet de sa carrière au milieu des années 70, il rejoint pendant deux ans la secte du Cultura Racional, adepte de soucoupes volantes. Durant cette période, il continue d’enregistrer exclusivement pour son culte des albums en exigeant de jouer uniquement sur des instruments de couleur blanche ! Et ceci n’est qu’un infime florilège de ses frasques… Personnage généreux et haut en couleur, son public lui a toujours pardonné ses excès, malgré de sérieux penchant pour l’alcool et la cocaïne, d’où son embonpoint qui lui sera fatale.

Il faut dire qu’il y avait de l’audace, du génie même chez ce mélodiste et chanteur dans sa facilité à jongler avec les genres (disco, bossa, jazz, pop romantique…). Que ce soit dans la langue de Shakespeare ou son portugais natal, son organe rauque et puissant, a accouché d’un nombre impressionnant de classiques au groove démentiel : la basse funky inoubliable de « O Caminho do Bem », les orchestrations à la Bobby Womack sur « Brother Father Mother Sister », la déchirante ballade rythm n’blues « I don’t Care… ». Il n’y a absolument rien à jeter parmi ses quinze titres, et encore autant d’autres merveilles à découvrir parmi sa discographie pléthorique. Une Å“uvre, hélas, encore mal réédité, et de ce fait très prisée des vinylmaniaques.

A titre d’anecdote, on se rappelle la vitrine d’un disquaire dans le centre vétuste de Sau Paulo, érigé en véritable mausolée en l’honneur du roi Maia (ce qui n’empêchait pas de vendre les vinyles du soul man brésilien à des prix indécents). Saluons donc encore une fois l’effort de Luaka Bop, dont cette brillante compilation est en gestation depuis dix ans, empêtrée dans des nÅ“uds contractuels, notamment la période « gourou ». Chapeau bas !