Couple émérite du rock indé US, Ian MacKaye et Amy Farina affichent une complicité sans faille sur leur troisième livraison Dischord. Armé du minimum, le duo The Evens mitraille un « The Odds » aux ravages maximum.


En apparence, The Evens ressemble à un groupe pop des plus ordinaires. Riffs en trois accords, mélodies élémentaires, absence d’effet… en somme, le minimum syndical. Mais en vrai, The Evens est bien plus que ça. Tout d’abord l’association de deux des personnages les plus incorruptibles du rock indépendant américain. En plus d’être un couple à la ville, Amy Farina et Ian Mackaye se sont distingués au sein de formations capitales du punk US : The Warmers pour Farina, Minor Threat et Fugazi pour Mackaye. Activistes notoires de la scène DIY de Washington DC et du label Dischord, ils sévissent avec leur projet The Evens depuis 2001. Leur formule est simple (une guitare baryton et une batterie, deux chants) mais leur façon de l’appliquer est unique. Après deux albums déjà balèzes (The Evens en 2005 et Get Evens en 2006) et un bébé, le couple s’est réuni en 2011/12 pour concocter une nouvelle salve de punk songs acoustiques, aussi subtiles que percutantes.

Avec The Odds, le duo de Washington ne faiblit pas dans son inspiration et son engagement. La guitare baryton de MacKaye groove et grogne, les frappes de Farina caressent et cognent avec finesse et tranchant. Autour de l’entêtant instrumental « Wonder why », placé en milieu d’album, le couple trousse onze compositions riches en mélodies droites et efficaces. La rage fugazienne transparaît encore et toujours, en particulier sur les tendus « Wanted criminal », « Warble Factor », et « Architects sleep ». Le duo se distingue aussi par son épure et son sens du groove subtil (« I do myself »). Leurs parties vocales, distribuées à portions égales, se marient – et c’est le cas de le dire – parfaitement. Le propos de Mackaye, plus concret et politique, se conjugue idéalement avec les images abstraites de Farina. Entre hymnes pop et brûlots acoustico-punk, ces deux voix savent filer la chair de poule sans affect ni grandiloquence.

Sur cet album positivement enragé nous reviennent quelques références passées – The Ex, Mission of Burma, Fugazi souvent, Sleater-Kinney parfois – mais The Evens ignorent la nostalgie et nous parlent plutôt du présent. La pochette de « The Odds » est un hommage à leur progéniture et à leur ville – y figurent, en contre-jour, un enfant et ce qui semble être un monument de la capitale américaine. Mackaye et Farina, qui ont été au cÅ“ur du bouillonnement musical de Washington DC, continuent d’y participer avec ce nouveau disque à la modestie géniale, et à la fureur intacte.