Avec Off the map, le drômois Renaud Brustlein et son groupe H-Burns réalisent un rêve d’ado – enregistrer un disque à Chicago avec Steve Albini – mais surtout un somptueux album d’americana, à l’empreinte décidément plus rock que folk.


Off the map donc, autrement dit « en dehors des plans ». Avec ce 4e album, Renaud Brustlein et son groupe H-Burns explorent des territoires inédits, s’éloignant de leur cheminement folk pour sillonner d’autres espaces. On l’avait compris avec le Ep Six years paru en 2012, Renaud Brustlein et sa troupe entérinent un virage ouvertement rock, dont on percevait déjà les traces sur le précédent We go way back (2011). La bouteille du Drômois a bien mûri depuis ses années postrock avec Don’t look back et son virage folk avec H-Burns. Et Renaud Brustlein semble aujourd’hui disposé à se confronter à la méthode américaine. Grâce à l’enthousiasme du tout jeune label Vietnam, lui et son groupe sont donc allés graver une dizaine de titres chez l’ingénieur sonique Steve Albini à Chicago, début 2012. On ne revient pas de son studio Electrical Audio sans métamorphose – demandez à PJ Harvey, Dionysos ou les plus jeunes Cloud Nothings). H-Burns y a ainsi capté une face plus ample de sa musique, à la fois brute et aérienne.

« Two thousand miles » et « Big blue », avec leurs basse cardiaque et accords célestes, annoncent l’esprit voyageur du disque. Le rythme s’emballe et les guitares crépitent avec « Six years », « Stubborn man », et le tendu « Wrong side ». Le groupe excelle plus que jamais à façonner des ballades poignantes et vigoureuses, telles « Opposite way », « Underground, underground » et un impressionnant « Put your hands on the Right Man » sans batterie. Dispensés par des membres de Wilco et Jonathan Morali de Syd Matters, orgue, piano et cuivres parsèment régulièrement le disque et lui confèrent une ampleur et une majesté inattendues chez H-Burns (« It’s late »). Moins rêche et plus riche, le disque fait la part belle à l’électricité bien plus que par le passé. Les arrangements restent simples mais mieux ciselés, privilégiant l’ambiance du morceau plutôt que la démonstration. Soutenu par une solide section rythmique, le groupe joue sur l’attente et la tension tout en accueillant une forme de lumière inédite (« Sail on wild », « Not only fading out »). Et pour incarner ces 12 chansons, les mélodies captivantes et la voix si vibrante de Renaud Brustlein viennent se poser naturellement. Son écriture puise toujours dans un indie rock estampillé 90’s (le Palace de Will Oldham, le regretté Jason Molina, Damien Jurado…), mais aussi dans un classic rock indémodable (le Crazy Horse de Neil Young, Bruce Springsteen). Dépliant ses cartes existentielles et (senti-)mentales, H-Burns trace un itinéraire narratif cohérent, jetant un regard émouvant sur son parcours récent (« Six years »).

A l’écoute d’Off the map, on reste surpris par la nouvelle aisance et la cohésion du groupe. Captées au plus près de l’os, ces chansons humbles et chaleureuses dévoilent des humeurs variées, prennent de l’espace et s’envolent jusqu’à d’exaltantes hauteurs. Détachés des cartes, les français de H-Burns inventent leur propre géographie, survolant avec majesté les vallées du folk et les montagnes du rock.