Un groupe qui se reforme et s’avère meilleur qu’à ses débuts, ça existe ? Les quatre figures noise de Chapel Hill en sont la preuve éclatante. Un sixième opus qui Polvorise tout.


ll est notoire dans le rock, lorsque des groupes phares se reforment puis décident de retourner en studio, que la déception est fatalement au rendez-vous. Les exemples de come-back ratés sont presque aussi longs que l’histoire du rock. Mais la tendance peut parfois s’inverser, comme c’est le cas avec la triplette d’albums impeccables enfantés par Dinosaur Jr.. Le quatuor de Chapel Hill en Caroline du Nord, Polvo, fait aussi parti de ces rares exceptions. Reformé voilà cinq ans avec ses membres originels – Ash Bowie (chant guitare), Dave Brylawski (guitare), Steve Popson (basse) et Brian Quast (batterie), personne à vrai dire attendait au tournant cette discrète mais influente formation noise US des années 90 [[*Signés chez Merge puis Touch and Go durant sa première période (1993/1998) avant de retourner chez Merge en 2008 ]]. Mais les vétérans ont pris tout le monde de court avec l’épatant In Prism (2009). Un cinquième opus où leurs structures alambiquées, durcies désormais d’un grain de guitare stoner, tendent paradoxalement vers un son plus fin et aventureux – saluons notamment l’hymnesque « Beggars Bowl » et la mélancolie rageuse de « Lucia ».

En délaissant la fougue bruitiste des débuts, le quatuor cherche désormais à confronter ses explorations math rock/dissonantes à des ambiances mélodiques très fouillées – le chant d’Ash Bowie s’étant aussi plutôt assagi, dans le bon sens du terme. Siberia s’inscrit dans la logique continuité d’In Prism. Ces huit nouvelles compositions sont certainement ce que le quatuor à enregistré de plus consistant et fluctué. L’une des plus anciennes signatures du label Merge, ne craint plus d’(ab)user avec flagrance de synthétiseurs analogiques – comme sur le refrain très catchy de « Light Raking ». Le 7-inch « Heavy Detour », paru voilà deux ans, indiquait déjà cette nouvelle orientation « clavier/guitares ». Sur l’étonnant « Blues is Loss », on pense à un Pavement poisseux qui aurait pris des anabolisants, tout en donnant une idée de l’incroyable dextérité de ces musiciens. Plus inattendu encore, l’acoustique « Old Maps » aurait pu être renommé « Ode to admittance » (so long Acetate Zero), tant l’empreinte acid-folk du chamane folk Ben Chasny est présente. La voix d’Ash Bowie, presque méconnaissable, lui emprunte le même phrasé. Un exercice de style complètement abouti.

Du reste, Polvo est réputé pour étirer ses compositions au-delà du raisonnable, voire à la lisière du rock progressif. Guitares et basse élaborent des riffs aux structures complexes, pouvant parfois déboucher sur une intrigante cacophonie où chacun semblant partir dans une direction contraire – « l’étrange Total Immersion » en ouverture et ses incroyables sorties de route harmonique, est un morceau clé de l’album. Lors de ses impressionnants dérapages sur Siberia, le duo Bowie/Brylawski est sauvé par la puissance tellurique magistralement contrôlé de Brian Quast.
La pièce de résistance la plus symbolique à ce titre, « The Water Wheel », qui culmine à presque huit minutes, n’est pas forcément la composition la plus intéressante. Dans un format plus court « Some Songs » avec ses beaux arpèges réverbérés s’avère plus concis. Ou bien le martial « Anchores » qui clôt l’album avec intensité et panache, sans accuser de la moindre perte de vitesse.

On ne craint pas d’avancer déjà que Siberia, est non seulement le disque le plus dense de Polvo, mais aussi son meilleur à ce jour.