La formation allemande passée maître en matière de dark ambient sort un nouvel album d’une beauté stupéfiante.


En préambule à cette chronique, voici un bref rappel historique à propos de ce groupe quelque peu légendaire et trop fortement underground. A l’origine de Troum était Maeror Tri, trio allemand composé de Martin Git, Steffan Knappe et Helge Siehl, créé en 1988, qui sublimera l’ambient, le dark ambient et le drone pendant huit années plus que prolifiques. Vingt albums et quelques dissensions plus tard, le groupe éjecte Helge, se sépare puis renaît de ses cendres sous le patronyme de Troum en 1997, poursuivant ses expérimentations ambient/drone avec un égal talent.

Pour parfaire et compléter un peu plus le tableau, sachez que Troum proscrit l’usage de l’ordinateur pour ses compositions. Ce sont avant tout des musiciens multi-instrumentistes (pour leur dernier opus, ils utilisent des guitares, une basse, un accordéon et même un mélodica) qui distordent leurs instruments jusqu’à en obtenir une palette de sons assez incroyable. Leur musique est tellement particulière que l’auditeur peut identifier leur univers dès les premières mesures d’un morceau. En près de trente ans de carrière tout l’enjeu du groupe aura été de creuser son sillon, unique, tout en se renouvelant le plus possible. Pendant ces trente années, il y a eu quelque plantages, évidemment, mais également de nombreux sommets. Mare Morphosis, nouveau volume sorti ces jours-ci, pourrait bien faire partie de la seconde catégorie.

Il faut savoir que celui-ci est le dernier chapitre de leur trilogie Power Romantic (dont Grote Mandrenke et Mare Idiophonika formaient les deux premières parties) et comporte quelques anomalies.
– La première, un format plutôt inhabituel : Mare Morphosis, c’est un seul morceau d’une cinquantaine de minutes. Inutile de fuir, ceci n’est pas un bloc indivisible et indigeste mais un titre comportant quatre atmosphères différentes.
– La seconde : Mare Morphosis est, pendant le premier quart du disque, lumineux. Oui, vous avez bien lu: lumineux. Anachronisme flagrant quand on connaît la musique pratiquée par le duo. La faute aux cuivres ainsi qu’à l’accordéon apportant une touche d’humanité, une chaleur inédite, le tout relevé par une série de boucles particulièrement bien senties.

Comme il est expliqué plus haut, Troum excelle dans l’ambient, le drone ou le dark ambient. Mare Morphosis ne déroge pas à la règle et présente l’étendue du talent du duo sur deux parties complémentaires et différentes. L’une dark ambient, oppressante et claustrophobe, fait suite à la première partie lumineuse. L’autre, ambient pure, clôt l’album en beauté dans une atmosphère d’apaisement et laisse l’auditeur dans un état de béatitude et de sidération auquel il ne s’attendait pas en débutant l’écoute. Entre ces deux morceaux ambient vient se loger un troisième «Â mouvement » à la fois chaotique et tendu.

N’allez pas croire en lisant cette chronique que Mare Morphosis est une succession de clichés ambient ennuyeux au possible. Loin de là même, tout le talent de Troum est de donner un sens et du liant à leur musique. Pour ce faire, le duo germanique travaille tel un réalisateur : il créé, coupe, assemble des échantillons de musique pour finalement parvenir à un résultat surprenant de cohérence et absolument passionnant. Ici, la métaphore cinématographique est loin d’être anodine, Mare Morphosis pourrait parfaitement illustrer la vision d’un film noir avec tous les ingrédients inhérents à ce genre: bonheur en premier lieu, tentative d’assassinat ensuite avec vengeance dans la foulée et enfin apaisement et retour à la normale.
Troum en a composé la B.O, magnifique, à vous d’imaginer maintenant les images qui vont avec.