La genèse oubliée du collectif psyché/country de la côte Ouest est révélée au grand jour. Soleil et harmonies éternelles pour tous.


L’épreuve du temps amène parfois à reconsidérer certaines Å“uvres abandonnées sur la route. L’exemple le plus célèbre étant les séances maudites du Smile de Brian Wilson. Desert Skies, premier album avorté des esthètes Californiens Beachwood Sparks, s’inscrit également dans cette lignée. Les puristes d’Alive Records – responsables en 2008 de l’indispensable réédition des Nerves – viennent de réparer cette injustice. Même si les chansons rassemblées ici remplissent à peine la durée d’un long format (seulement neuf compositions, où s’ajoutent trois versions alternatives), cette collection de chansons enregistrées en 1997 n’a pourtant rien de fonds de tiroirs.

Nous connaissions ce quatuor de la côte ouest pour leur country mystérieusement cosmique, fort de deux albums parus chez Sub Pop au début des années 2000. A notre grande surprise, les débuts du groupe emmené par Brent Rademaker (basse) et Chris Gunst (guitare) ciselaient alors des progressions mélodiques nettement plus claires et enlevées, dans la pure tradition de l’«harmonie parfaite». La genèse du groupe, qui compte alors pas moins de six membres, fleure bon l’âge d’or de la pop west coast (Byrds, The Buffalo Springfield et les Flying Burrito Brothers).

L’historique single « Desert Skies »/ »Make It Together » paru sur le label Bomp ! place déjà la barre très haut : deux pures pépites power pop grimpant vers les cimes de Big Star et Teenage Fanclub. La suite, bien que moins directe, dévoile ses aspérités après quelques écoutes. Notamment sur le mélancolique « Canyon Ride » ou encore l’odyssée acidulée “Sweet Julie Ann” et son solo de bottleneck magique glissant sur la voie lactée… Le futur s’esquisse déjà sur un titre, l’expérimental « Midsummer Daydream » et ses errances cosmiques s’étirant sur plus de sept minutes. A l’écoute de ces chansons, on ne peut s’empêcher d’établir un troublant parallèle avec un autre chef-d’Å“uvre de pop americana de cette période, le Summerteeth de Wilco paru l’année suivante. Rayon mélodique, les Beachwood Sparks n’avaient rien à envier au gang de Jeff Tweedy, qui n’avait pas encore opéré leur mue expérimental avec le génial laborantin Jim O’Rourke. Après coup, étrange trajectoire similaire que celle poursuivie par ces deux groupes.

Mais le doux rêve californien sera de courte durée. Avec le départ de deux membres, notamment de l’influent guitariste Josh Schwartz, le désormais quatuor s’oriente vers un psychédélisme moins rock, pour une country/folk perchée. Les titres « Desert Skies » et « Canyon Ride » sauvés des sessions et qui figurent ensuite sur le premier album « officiel », sont complètement retravaillés. L’assurance mélodique qui caractérisait tant ses chansons s’est évaporée, comme si les refrains catchy étaient devenus un compromis gênant pour les nouvelles ambitions du quatuor. Finalement, il faudra attendre onze ans avant que le groupe ne se ravise avec le beau et limpide The Tarnished Gold, l’album du come back.

BEACHWOOD SPARKS – Make It Together from Alive Naturalsound on Vimeo.