Le trio Berlinois Fenster, auteur en 2012 du remarqué Bones, intrigue sévèrement avec un second album tenant du conte de fées sous champignons hallucinogènes.


Fenster, trio mais à l’origine duo germano-américain sur lequel s’est greffé depuis 2010 un français, a sorti en mars dernier, et dans une certaine indifférence, ce The pink Caves franchement intrigant. Sorte de conte de fées cauchemardesque, créé sous haute influence de produits illicites anesthésiants (champignons, tisanes hallucinogènes, herbes folles, on cherche encore…. ), et probablement achevé en visionnant l’intégrale d’un Twin Peaks qui aurait été visionné par Tim Burton. Difficile à imaginer ? Pas tant que ça si on veut bien s’y donner la peine de plonger dedans.

Après une introduction relativement brève, exutoire d’une minute et demi en forme de flash sévère, de montée d’acides à travers laquelle Fenster semble se débarrasser de toute forme de violence, peut alors débuter un long trip cotonneux et sous analgésique. En douze chansons et à peine plus de quarante minutes, c’est le dépaysement garanti. A l’image de la pochette, tel une Alice, une fois la touche play appuyée, vous traversez le miroir. D’ailleurs, rarement pochette n’aura aussi bien servi la musique qu’elle illustre : à l’écoute de The Pink Caves, vous vous retrouvez plongé dans des contrées brumeuses, incertaines, irréelles, des forêts peuplées de créatures légendaires, un univers où se côtoient la féerie et la menace. Laquelle semble tapie dans l’ombre, attendant la moindre occasion pour vous sauter dessus.

Comme vous le comprenez, The Pink Caves est avant tout un disque d’atmosphères. Ne vous attendez pas à trouver des chansons épiques, mémorables, avec des couplets-refrains-pont qui vous resteront dans le crâne ad vitam eternaem, ni un album d’une énergie débordante. Non, les chansons sont là, bien présentes et plutôt bien foutues mais le propos est ailleurs. Dans les recoins justement, les silences, grâce à une production à l’ampleur inédite, une profondeur certaine, ouvrant à l’auditeur un monde si vaste qu’il lui faudra un nombre d’écoutes assez conséquent pour en faire le tour. Ce sont les trouvailles, les petits détails qui retiennent l’attention, une variation à laquelle on n’avait pas fait gaffe à la première écoute, une guitare qui se découvre là où on ne l’attendait pas, une voix, des sons qui vont radicalement changer la tonalité d’un morceau.

Atmosphère, atmosphère, ok. Mais musicalement parlant ça se rapproche de quoi en fait? Pour schématiser, The Pink Caves c’est le And then nothing turned itself inside out de Yo La Tengo revisité par la pop rétro-futuriste de Broadcast, s’éloignant à ses heures perdues sur les territoires du maestro Angelo Badalamenti. C’est bien évidemment très réducteur parce qu’on y rencontre parfois les Franco-finlandais de Mi And L’au (« The light »), un Cass McCombs cheap et eighties (« 1982 »), les Beach Boys (un peu partout), des licornes, lutins et autres farfadets, mais également l’inspecteur Dale Cooper. Et accessoirement de bonnes chansons (sunday owls, creatures, 1982, ou the light entre autre).

Vous direz que ça ne suffit peut-être pas pour faire un grand disque mais beaucoup d’éléments contribuent à en faire un très bon. Suffit seulement d’accepter qu’un album puisse ne pas être qu’une collection de (bonnes) chansons ou un concept fumeux mais une sorte de B.O capable de vous perdre dans son imaginaire.