Le duo « power blues » emmené par Dan Auerbach et Patrick Carney propose un nouvel album qui remet à plat les préceptes qui ont fait leur fortune. Si l’intention est louable, l’ennui est malheureusement palpable…


On ne peut pas reprocher à un groupe de chercher à se renouveler. Les Black Keys autrefois appréciés pour la proximité de leur musique, s’étaient déjà éloignés de leur formule initiale avec El Camino, leur dernier album. Commercialement efficace, ce disque disposait de tubes bien troussés et intelligemment produits qui ont su trouver un large public avide de « sang neuf ». Le fan de la première heure quant à lui, bien qu’heureux de ce succès mérité, ne pouvait pleinement se retrouver dans cet agencement de chansons sans surprises et vidées de toute sève. L’écoute de ce nouvel album qui tente honnêtement de tracer une nouvelle voie, ne fait qu’approfondir cette sensation d’un groupe qui artistiquement marque le pas.

Côté vente de disques, on ne peut que présager une déception pour le grand public qui risque de fortement bouder un album qui ne dispose d’aucun tube. Il ne fait aucun doute qu’une grande partie du public qui se fie dans sa grande majorité à une écoute en diagonale via Deezer ou autres véhicules du zappage musical qu’est devenu l’univers du disque, passera son chemin. Les quelques amateurs de disques quant à eux, ces personnes « à la marge », tenteront peut-être de renouer avec cet électro-choc, cette magie qui emporte et enivre à chaque révélation musicale. Il est vrai que pour un tel groupe, qui en peu de temps a su marquer sa spécificité et transmettre une certaine jubilation avec des riffs, une voix et une curieuse cohésion bancale, sont peut être prêt à faire un effort. Aussi, même si on met de côté l’environnement électoral et politique que l’on peut qualifier de moroses et se discipliner à rester optimiste, sentiment de morosité décuplé par la lecture des dernier ouvrages de John Densmore ou de Michel Houellebecq qui ne font qu’alourdir ce sentiment de causes perdues, on aura bien du mal à rester enthousiastes après l’écoute de cet album.

Certes, la production est superbe, la pochette permet d’y croire et l’envie d’en découdre semble encore présente, mais quel ennui… Album à écouter par temps pluvieux, Turn Blue porte bien son titre. L’enthousiasme semble avoir délaissé les Black Keys qui paraissent ici gagnés par un cruel désÅ“uvrement sans parvenir à transmettre la moindre émotion. Fini le power blues énergique, place aux longues plages proches d’un « rock progressif » que n’aurait pas renié David Gilmour. Dans ce temple de la lassitude on pourrait citer l’Å“uvre d’une Beth Gibbons ou les affres d’une Fiona Apple qui transforment leurs angoisses en sons célestes, qui émeuvent sans laisser indifférents. Or, hormis quelques courtes envolées dont fait peut-être partie ce timide « Year in review », Turn Blue ne convainc pas.

Aussi, bien que moins angoissant que l’avenir d’un projet européen abandonné de ses électeurs, on ne peut qu’espérer que cet album sera perçu dans quelques années comme une sorte de « déprime de créativité » dans la discographie d’un groupe à la recherche d’un second souffle.