Forms of Forgetting de l’artiste américain protéiforme Seth Cluett est, comme son précédent opus sur le label Line, un corps sonore mixte issue de ses performances en galerie et de la création en studio.


Forms of Forgetting de l’artiste américain protéiforme Seth Cluett est, comme son précédent opus sur le label Line, Objects of Memory (2011), est un corps sonore mixte issu de ses performances en galerie et de la création en studio. Il s’appuie ainsi à la fois sur une expérience sonore collective, une rencontre fixée dans le temps et l’espace qu’est la performance, et sur celle plus personnelle, plus discontinue aussi, qu’est l’écoute d’un album. Comme sur Objects of Memory, Forms of Forgetting s’illustre par la théorie, un des domaines d’exercice de Cluett. Si le premier faisait référence à Michel de Certeau et à son ouvrage Invention du quotidien, pour le deuxième il est question d’un passage de La mémoire, l’histoire, l’oubli du philosophe Paul Ricoeur. La citation renvoie à une certaine définition de l’oubli qui n’est pas « l’effacement des traces« , mais celui de « réserve ou de ressource« . Oublier ce n’est ainsi pas l’opposé de se souvenir : c’est simplement « sa soustraction à la vigilance de la conscience« . Comme il arrive souvent dans la consommation des produits culturels où le concept a une importance prépondérante, la grande teneur philosophique des références de Cluett peut déconcerter ou désorienter devant le minimalisme absolu de sa musique. Or cette dernière n’exige pas un degré avancé d’intelligibilité ni ne se pense comme élitiste. Ce qui ne signifie pas qu’elle demande une attention particulière, une écoute qui s’inscrit dans la durée. Unique séquence d’une cinquantaine de minutes, Forms of Forgetting instaure un dialogue d’une riche subtilité avec son auditeur, d’autant plus que ce dernier est face à une ligne drone atonale, qui ne gagne en intensité que par moment. Or il arrive, puisqu’on est dans la durée, que l’on oublie également le fait même qu’on est dans une situation d’écoute : la fréquence immobile de Forms of Forgetting se retire de la conscience, et laisse la place à d’autres pensées. Mais ceci pour mieux y revenir, puisque son travail silencieux persévère même dans la distraction. L’oreille investit tout cet espace évacué par la composition de Cluett, qui apparaît comme une structure qui s’étire, qui s’annule dans sa constance. On oublie ainsi le point de départ ni conçoit le point d’arrivée : seul existe un présent, quand toute la conscience est vive et aux abois.

« Forms of Forgetting » (live) :

seth cluett – forms of forgetting – smfa (2014) from seth cluett on Vimeo.