Premier album pour la compositrice et multi instrumentiste Cécile Schott alias Colleen chez le label chicagoan Thrill Jockey et nouvelle réussite avec ce 5e opus surprenant et (presque) chaleureux.


Le moins que l’on puisse c’est que le pédigrée de Cécile Schott alias Colleen n’en finit pas de susciter une certaine admiration. Après trois albums pour un label aussi pointu et exigeant que Leaf (Boymerang, A Small Good Thing, Susumu Yokota ou encore Manitoba), c’est au tour des américains de Thrill Jockey (une première pour une artiste française, rappelons le) de lui faire confiance et lui permettre de poursuivre ses explorations musicales.

Ce changement de label aura-t-il une incidence sur sa musique pour autant ? Pour tout dire, on serait tenté de répondre par l’affirmative. Finit l’austérité des précédents albums, on constate sur Captain Of None un réchauffement climatique sans précédents. Cécile Schott semble avoir opéré une translation insulaire directe de la fraîcheur, la morosité de la Grande Bretagne aux terres beaucoup plus accueillantes et chaudes de la Jamaïque. N’allez pas croire cependant que ce nouvel soit un fervent hommage au reggae. Si réchauffement il y a, il n’affecte en rien sa personnalité. Sa musique est toujours éprise d’expérimentations, son cÅ“ur bat toujours pour la musique électronique ou concrète (qu’elle soit anglaise, au hasard on pourrait citer Autechre ou Aphex Twin sur « This Summer Breaks ») mais elle se fait beaucoup plus cosmopolite que par le passé : c’est l’Afrique via « Konono n°9 » qui traverse « This Summer Breaks », le dub de « Mad Professor » ou « King Tubby » qui devient la colonne vertébrale de Captain Of None.
Cependant, le fond, la singularité musicale de Colleen est toujours présente, ce n’est pas parce que les sonorités se réchauffent que son ‘âme change : la musique reste très expérimentale, par moment froide (Sur « Salina Starts », Cécile Schott est la seule musicienne à être parvenue à rendre le mélodica froid comme la glace), flirtant toujours avec la musique concrète, le minimalism d’un Steve Reich (Holding Horses), parfois à la limite de l’hermétisme voire absconse ( la fin de « This Summer Breaks », encore et toujours) mais traversée de moments pop en suspension (le superbe « I’m Kin » ou « Captain Of None ») et d’expérimentations dub impressionnantes (« Eclipse »).

C’est d’ailleurs la grande réussite de ce disque : parvenir à mêler de façon aussi limpide les extrêmes climatiques et géographiques (pour résumer l’Islande et la Jamaïque) en atteignant un résultat qui soit tout sauf tiède, à concilier expérimentations et mélodies, exigence et accessibilité tout en restant passionnant. Challenge difficile et parfaitement atteint avec ce nouvel album donc.

Autrement, pour répondre à la première interrogation : l’arrivée chez Thrill Jockey n’a en rien changé la musique de Colleen, au contraire. On pourrait croire, à l’écoute de Captain Of None, que celui-ci a été produit ou réalisé par une tiers personne mais il n’en est strictement rien. Un coup d’Å“il aux crédits montre que Cécile Schott n’a rien laissé au hasard, contrôlant sa création de A jusqu’à Z, rejoignant le club très fermé des obsessionnels musicaux talentueux un brin dingos aux côtés d’un Kevin Shields ou d’un Brian Wilson.

Bref, avant de jeter un Å“il sur le livret et à la fin de l’écoute, Captain Of None séduit plus que de raison. Après lecture et réécoute, il impressionne.