Sous son vernis indie pop, Air Waves signe d’émouvantes indie pop songs voyeuristes . Un bol d’air frais venu tout droit de Brooklyn.


La brooklynoise Nicole Schneit, aka Air Waves, possède un certain talent pour composer des mélodies évidentes. Mais contrairement à l’un de ses héros prolifique Rober Pollard (son pseudo Air Waves est emprunté à une chanson de Guided By Voices), la jeune femme se fait rare : son précédent opus remontant à 2010. Il va de soi que les compositions de son troisième album ont donc été longuement maturées avant d’être confiées à Jarvis Taveniere de Woods, crédité ici à la production. Avec l’apport de ce dernier, figure de la scène psyché-rock new yorkaise, Parting Glances ne pouvait être entre de meilleures mains. En résulte douze chansons pas vraiment psyché-garage, mais plutôt « indie rock » à l’économie élégante dans la lignée de The Clean, les Breeders, et proximité oblige, l’ascendance du Velvet Underground tendance Moe Tucker.

Entre les lignes de ses refrains servis avec un soupçon de mélancolie, Nicole Schneit confesse des paroles d’une sincérité désarmante, doublées d’un certain don pour magnifier les situations ordinaires. Cet éloge de la routine quotidienne ne l’interdit pas pour autant une remarquable singularité dans sa manière d’aborder les sentiments, tel le frisson procuré des jeux de regard avec un anonyme croisé dans la rue («  Hold me, don’t let me go, Can Anyone Settle ? » chante-t-elle sur « Milky Way »), ou le fantasme de s’évader à bord d‘une Cadillac (« Horse Race »). Une certaine éloge de désirs inassouvis en somme, car Nicole Schneit est de cette race de parolière où la manière de raconter l’histoire est plus importante que l’histoire en elle-même. Guère étonnant qu’elle compte parmi ses amis de longue date Sharon Van Etten, autre grande conteuse à la crudité sentimentale.

La new yorkaise sait donc faire sonner les mots, tout en jouant le contraste avec des mélodies à l’efficience indiscutable. On aurait tout de même tort de sous-estimer cette douce brune au brin de voix timide, car elle sait faire parler la poudre en temps voulu sur un rockabilly hanté – « Sweet Talk ». Plutôt variées dans l’ensemble, ses pop songs voyeuristes visent juste, droit au coeur, comme sur ce « Calm » rempli d’énergie frustrée («  I Want to become like you »), sur une fausse bleuette folk « Older », ou tout en douceur sur un « Fantasy », rêveur à souhait. « Horse Race » et le rugueux » Thunder » bénéficient quant à eux du renfort aux harmonies de la talentueuse Jana Hunter (Lower Dens)

.

Sur Parting Glances, (qui tire son nom du film du même nom avec le comédien Steve Buscemi, campant le rôle d’un homosexuel dans le New York de l’ère Reagan) , la petite révolution qui se joue là ne repose pas sur l’apparence des chansons, mais sur leur profondeur, qui s’inscrit durablement dans notre mémoire. Assurément, voilà l’émergence d’un talent qu’il faudra suivre de près.